Lot n° 108

SAINT SIMON (Louis de Rovroy, duc de).

Estimation : 800 - 1 000 EUROS
Adjudication : 1 500 €
Description
Mémoire manuscrit, dicté à un secrétaire. Décembre 1747. 4 pp. 1/2 in-folio, avec quelques annotations d'une autre main. « mon entière ineptie en affaires ». Intéressant document sur l'état de la fortune du duc, peu florissante depuis longtemps mais définitivement mise à mal par le décès de sa femme le 21 janvier 1743 – la succession n'en serait véritablement réglée qu'au début des années 1780 (plus de vingt-cinq ans après la mort du duc). Âgé de soixante-douze ans, le duc de SaintSimon qui avait dû quitter en 1746 la demeure qu'il habitait depuis 1714, refuse ici d'aliéner ses appointements royaux. « Par ce qui avoit été constaté en 1743, il résultoit que mes biens fonds se montoient à cinq millions, mes debtes à moins de deux, par conséquent trois millions de biens restans. aujourd'huy, par les états que je reçois, je me Vois ruiné sans ressource, et les trois millions excédants toutes debtes, absorbés. c'est là ce que je puis d'autant moins comprendre, que depuis janVier 1743, je n'ai donné aucune chose à ma commodité, plaisir, fantaisie en choses que ce puisse être, ce qu'il est aisé de vérifier par les comptes... Et quant à mon équipage, garde-robe et table, on en a pu voir et connoître la plus que modicité, et telle qu'elle avoit été réglée... quand on abandonne tout ce qu'on a, que peut-on exiger de plus ? Mais abandonner des appointem[ents] qui ne sont pas saisissables et qui ne font pas partie de mon bien, pour demeurer à la merci de la volonté de ceux qui me payeront comme il leur plaira,... c'est le cas d'aller demander l’aumône à la porte des églises... Je désire au moins deux choses, pour consolation d'un tel et si total dépouillement. La 1ère, qu'il soit pourvu avant tout, aux legs, tant pieux qu'autres, du testament de Mad[am]e de St-Simon, dont je suis exécuteur, et que quand je ne le serois pas, je voudrois exécuter aux dépens de toutes choses. La 2de, qu'immédiatement après, et avant toute autre chose, il soit pourvu au paiement de mes domestiques jusqu'au jour de l'acte qu'on me propose... reste à saVoir comment je pourrai ViVre. Je ne crois pas qu'on puisse me proposer un estat plus court, que celui de l'estat qu'on m'envoie. Il est fait sur 40000 l[ivres] de rente, et avec le plus étroit ric-à-ric, la dépense monte à 39823 l[ivres]. Que peut-il rester pour mile bagatelles imprévues et indispensables. Je dis bagatelles, parce que je ne compte pas de jouer un sou, de donner un verre d'eau à personne, ny de dépenser quoi que ce soit pour mon goust. Mais il y a des bagatelles qui se présentent à l'heure qu'on y pense le moins, et qui sont inévitables, telles sont un voyage à Versailles, ou à pareille portée de Paris, des domestiques malades..., une armoire, une tablette, des riens d'accommodemens de maison, quand on y est pour sa vie, et ces riens coûtent... » Il supplie ensuite que lui soit conservée sa maisonnée de 4 domestiques dont un secrétaire : « Depuis 35 ans dans la maison, [il] sert uniquement pour mes liVres, mes papiers, et proprement de secrétaire depuis que je n'en ai plus. De celui-là, il m'est encore impossible de m'en deffaire, il n'a d'autre emploi que celui-là, et il en a ce qu'il en peut faire. Je n'ai de ressource qu'en mes livres &a. C'est lui qui m'y sert en tout et pour tout, et sans lui je ne saurois rien faire... » Il conclut sur d'autres « bagatelles » indispensables : « Sur la dépense proposée pour ma maison, on a oublié l'huile et le sel et le sucre, qui sont un objet, mesme le caffe et le tabac à fumer et à prendre qui est une habitude de 50 années, dont il n'est pas possible de me deffaire, sans d'autres bagatelles dont je ne puis me rapeller, comme plumes, ancre, papier, cire &a, et de papier j'en consomme beaucoup aVec mes liVres, et désormais je n'aurai plus que ce contentement de lecture, dans le vuide de toute le reste et de toute autre occupation... » Le duc de Saint-Simon consacra ses dernières années à la lecture, et à la rédaction de ses fameux mémoires, poursuivie de 1739 à 1749.
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