Lot n° 1028

MAURIAC François (1885-1970) [AF 1933, 22e f]. — MANUSCRIT autographe signé « François Mauriac », [Hommage à Paul Bourget, 26 décembre 1935] ; 7 pages et demie in-8 avec ratures et corrections (sous chemise annotée par Claude Mauriac).

Estimation : 3 000 - 3 500 €
Adjudication : 4 160 €
Description
Discours prononcé à l’Académie française lors de la mort de Paul Bourget.

[Paul BOURGET était mort le 25 décembre 1935 ; en l’absence du directeur en exercice de l’Académie, François Mauriac lui a rendu cet hommage lors de la séance du 26 décembre ; ce discours a été publié dans Le Figaro du 27 décembre.]...

« c’est à titre de fils que j’adresse à Paul Bourget, au maître français du Roman psychologique, l’adieu de notre Compagnie.

Paul Bourget qui, le premier, dans ses Essais de psychologie contemporaine eut l’honneur d’assigner à Stendhal et à Baudelaire leur vraie place, Bourget, héritier de Benjamin Constant et de Balzac, disciple de Taine, mérite de nous inspirer ces sentiments de respect filial dont lui-même entoura les maîtres qui l’avaient précédé dans la gloire et qu’il vient de rejoindre dans la mort.
Sans doute paraissait-il tourné vers eux, ses aînés, plutôt que vers nous, ses cadets. Mais c’était pour nous transmettre leur héritage : il nous servait en les servant.

Nul n’a senti, avec plus de force que Bourget la continuité de la vie spirituelle française. Jules Laforgue, l’ami de sa jeunesse, l’appelait tendrement : “Ce Balzac aux épaules frêles...” Mais les plus frêles dissimulent souvent une force étonnante. Paul Bourget a porté sans faiblir, jusqu’à la fin, le dépôt des dures vérités qu’il avait reçues de ses maîtres. Messieurs il y a un singulier mérite, dans une démocratie à consentir au rôle ingrat d’“homme du passé”.

Paul Bourget nous a quittés : c’est à nous d’entretenir le culte de ceux qui furent, selon sa propre expression : “les dépositaires du génie de la Race”. Ces grands hommes, qu’ils nous semblent tout à coup détachés de notre époque ! Comme ils s’enfoncent dans le passé, maintenant que celui qui s’était fait en quelque sorte leur ambassadeur au milieu de nous, n’est plus là pour nous rappeler leur mot d’ordre !
Ce mot d’ordre, il a pu croire que nous ne l’entendions plus : l’extrême vieillesse est une extrême solitude. Certains problèmes qui avaient paru essentiels à l’auteur de l’Émigré ne se posent plus pour nous, ou les données sont différentes. Je crois que Bourget en a souffert.
Sur un point précis, cependant, nous sommes tous ses fils spirituels. De droite ou de gauche, nous avons appris de lui à “croire profondément au sérieux de notre art”. Il nous a enseigné que chaque livre est un acte, un acte qui nous suit et qui nous jugera »... Etc.
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