L.A.S. «La Condamine», Amsterdam 31 décembre 1744, à VOLTAIRE; 1 page et demie in-4.
Belle lettre à son retour en Europe, célébrant les louanges de Voltaire, et évoquant son long séjour en Amérique.
«Je ne sais ou vous prendre, mon cher Monsieur, mais comme il n'y a pas deux Voltaires dans le monde il n'est pas besoin de savoir ou vous etes pour vous ecrire. Je vous ay laissé le Sophocle, le Virgile, le Salluste de notre siecle. Sans cesser d'etre tout cela et avec de nouveaux degrés de gloire en tous ces genres, je vous retrouve de plus, Philosophe, vengeur de Newton, Maitre en saine politique, Precepteur des belles et favory des Rois. Rien de tout cela ne me surprend jay lû et admiré tout ce que jay pû recueillir de vos ouvrages qui ont paru depuis mon départ. Je nay pas eté assés heureux pour que la letre que Mde la Marq. du Chatelet m'avoit annoncée de vous me soit parvenue. Je n'ay de votre ecriture que sur des cartes qui valent bien de longues lettres. Encore si j'en eusse recu quelquune à Quito elles m'auroient peutêtre aidé à suporter le poids de mon affreux exil. Dix ans hors de France, et dans quels pays ! Le plus beau tems de ma vie et un tems assés long pour faire un savant, je lay passé à oublier le peu que javois apris. Jay vieilli et je n'ay pas vecu. Imaginés vous quelle est mon impatience de voir et d'entendre après une si longue privation; mais de tous les plaisirs que je me promets celuy de me raprocher de vous et l'espérance de vous dérober quelques moments est pour moy le plus sensible. Ce n'est pas une bonne année que je vous souhaite mais un siecle de vie pour l'honeur de la France et le bonheur de vos amis»...
L'Académie française au fil des lettres, p. 108-111.