Lot n° 217

[MANUSCRIT]. — PANÉGÉRIQUE EN GREC, vers 1810. — [KAVADIAS (Makarios)]. — [Panégyrique à la gloire de Constantin Ypsilántis (1760-1816)]. — Petit in-4, [1] f., 34 p. — Encre noire sur papier.

Estimation : 500 - 600
Adjudication : 1 600 €
Description
Basane rouge époque, dos lisse, large bordure et fleurons angulaires aux petits fers ornant chaque plat, avec au centre dans un médaillon doré, une Crucifixion au plat sup. et une Vierge à l'Enfant au plat inf., tranches dorées (coins et plats frottés, quelques mouillures).

Ce panégyrique, très vraisemblablement demeuré inédit, loue les mérites de Constantin Ypsilántis (1760-1816), Grand Drogman (interprète) de la Sublime Porte de 1796 à 1799, hospodar (souverain) de Moldavie de 1799 à 1801 puis de Valachie de 1802 à 1806, père d'Alexandre Ypsilántis (1792-1828), fer de lance de l'insurrection grecque contre l'Empire ottoman.

L'introduction consiste en un poème intitulé " Prologue des louanges à Constantin, le très légitime prince. " Écrit dans une langue très soutenue aux tournures sophistiquées, comme l'ensemble du discours qui suit, il est l'oeuvre d'un religieux grec qui signe de son nom la dédicace du texte, p. 1 :
" Au très pieux, très grand et très serein /
le très grand prince, auparavant de Moldavie, et à présent de toute la Hongro-Valachie /
le seigneur Constantin Ypsilántis /
un texte en son honneur composé par l'archimandrite Makarios /
dont le nom civil est Kavadias, originaire de Céphalonie. "

Makarios Kavadias, mort en 1824, enseigna à l'Académie du Patriarcat de Constantinople.
L'on n'a de lui qu'un seul ouvrage, publié à Venise en 1802, où il est question des Livres bibliques, mais également de Voltaire.

Le texte se présente sous la forme d'un discours panégyrique à la gloire de Constantin Ypsilántis et une défense de son oeuvre diplomatique en faveur de l'indépendance grecque face à l'Empire ottoman.
Dès les premières pages, l'auteur expose les raisons qui le poussent à faire l'éloge de cet homme insigne.
Ses origines constantinopolitaines lui sont l'occasion de rappeler (p. 3) que la capitale de l'ancien Empire byzantin fut non seulement " la patrie de [cet] homme " mais également " celle qui dans les temps anciens fut, de terre et de mer, ville reine, Constantinople, assise entre l'Asie et l'Europe, mère et nourricière des temps des héros, lumière de l'hellénisme. "
De Constantin Ypsilántis, il est dit qu'il reçut une éducation digne de son rang et de celui de son père, avant de se tourner vers la seule vraie sagesse, c'est-à-dire la sainte Écriture. Mais tout en se montrant sensible à cette " source des biens qui conduit à l'immortalité ", indispensable " à qui veut gouverner les hommes " et que " beaucoup de nos contemporains ignorent en pensant qu'il s'agit de mythes terrestres ", il n'a pas dédaigné la philosophie. Sa culture classique est d'ailleurs évoquée tout au long du discours.

L'auteur lui attribue la connaissance du latin, de l'italien, du français, du perse et de l'arabe, ainsi que la rédaction de deux livres dans lesquels il mêle " la langue des Arabes de Perse à celle des Français, ce qui montre la valeur et le savoir de l'homme ". Mais il n'a pas seulement connu le monde à travers sa fonction diplomatique et en temps de paix : il est signalé au lecteur qu'il prit part " au tumulte et au fer ", en sa propre personne, " de la grande et très destructrice Révolution qui a eu lieu en France " (p. 8).

Plusieurs notes en français laissent entrevoir un contexte lettré et une audience probablement familière des instances diplomatiques européennes. L'une d'elles (p. 15) se réfère à l'édition parisienne de 1802 de L'Esprit des Lois : l'Esprit de l'histoire de Montesquieu, et fournit ainsi un premier indice de l'époque d'écriture du volume.

On y trouve encore des références à l'Histoire universelle (traduite de l'anglais), à l'Émile de Rousseau, à Dion Cassius, à la vie de l'Empereur Claude par Suétone, aux écrits de Tacite et de Sénèque.

Enfin, l'auteur ne mentionne ni les événements de la guerre russo-turque, ni la tentative de libérer les Balkans menée par Constantin Ypsilántis lors du siège de Bucarest en 1806, ni sa mort en 1816. Il est donc probable que ce panégyrique ait été composé de son vivant, dans la première décennie du XIXe siècle.
Makarios Kavadias semble en tout cas avoir appelé ardemment de ses voeux la restauration de l'unité nationale grecque et la libération du joug ottoman initiée par Ypsilántis, si l'on en juge par l'éloquent explicit qui achève son discours :

" Ô, Toi qui es au-dessus de tous les princes et Roi de tout, Christ notre Dieu, /
à notre légitime, très pieux et très serein Prince, /
donne les insignes royaux pour de longues années. "

Analyse détaillée du manuscrit sur demande.
Nous remercions monsieur Georges Kiourtzian pour sa traduction et son aide à l'identification de ce manuscrit, apportées gracieusement.
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