Lot n° 63

GOUNOD Charles (1818 1893)

Estimation : 1 000 - 1 200 EUR
Adjudication : 1 581 €
Description
L.A.S. «Ch. Gounod», Courtavenel 15 juillet 1850, à Ivan TOURGUENIEV; 6 pages in-8, cachet sec de la Collection Viardot.
Très belle et longue lettre à Tourgueniev, sur son opéra Sapho.
(qui sera créé à l'Opéra le 16 avril 1851, avec Pauline VIARDOT dans le rôle-titre).
Depuis son départ, il attend impatiemment les lettres de son ami, mais met son silence sur le compte de la longueur et des encombrements du voyage: «Au reste je ne suis pas sans nouvelles de vous puisque Madame
VIARDOT m'en a déjà donné deux fois», de Berlin et de Stettin, et qu'elle en attendait de Saint-Pétersbourg: «C'est une préférence de laquelle je ne serai jamais jaloux»... Tourgueniev manque à tout le monde à Courtavenel, où la vie suit son cours: «nous ne troublons pas par des vociférations bachiques la paix du lieu». Seul le vieux chien Sultan, affolé par les chaleurs de Flore, perturbe cette paix: «il s'obstine quoique Flore lui ait déclaré cent fois, des pattes et des dents, qu'elle n'agréait pas ses voeux; quoique Zéphyr, époux légitime et vengeur, le lui ait également indiqué», le chien est hors de contrôle, «dans sa rage vénérienne», hurle toute la nuit et cause de nombreux dégâts: «Rien ne l'arrête; il est comme un torrent impétueux»...
Sapho avance, et Gounod en a complètement revu et corrigé avec Émile
AUGIER le second acte, dont il a déjà composé les plus importants morceaux: «d'abord les 4 idées principales du dernier tableau - ensuite la chanson à boire de Pythéas: “ô large Amphore” - Ensuite le Duo des
Tablettes avec Glycère - puis enfin le Serment des conjurés à la fin du
Banquet. Je crois que tout cela vaut au moins le premier acte, sinon mieux». Mais le jugement de Tourgueniev lui manque: «Où est-il cet heureux temps où je ne restais pas longtemps dans l'incertitude après avoir fait un morceau !» On a engagé Massol pour le rôle d'Alcée, ou celui de Pythéas; Mme Laborde aura le rôle de Glycère. En ce moment il cherche «le chant du Banquet “à Bacchus”, et puis j'orchestre mon
Duo de Glycère et Pythéas dont je suis très content: je regrette que vous ne le connaissiez pas, parce que c'est une donnée comique, et que vous n'avez pas encore vu cette face de ma composition». Sa mère et Berthe, qui l'ont entendu, ont beaucoup ri. Il ne lui reste que 7 semaines !... Il ne lui parle pas des succès de Mme Viardot à Londres: «Ses lettres, les journaux, vous en auront instruit [...]; Chorley m'écrit que l'effet qu'elle produit va toujours croissant. Quant à elle, elle me dit que sa voix est excellente, qu'elle ne l'a jamais mieux servie»... «Jespère que vous aurez de bonnes nouvelles à nous donner de vos ouvrages: vous savez si nous en sommes impatients»... Il est allé embrasser sa petite nièce à Paris, qui est «belle comme un ange»...
Gounod assure son ami de toute son affection: «nous sommes unis bien fraternellement et bien solidement jespère»...
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