Lot n° 600

FONTENELLE Bernard Le Bouyer de (1657-1757) philosophe et mathématicien. — 5 L.A.S. « Fontenelle », Paris 1733-1734, à James JURIN, « Docteur en Medecine, de la Société Royale de Londres », à Londres ; 10 pages in-4 ou grand in-8,...

Estimation : 5000 - 6000
Adjudication : 6 500 €
Description
adresses avec marques postales, un cachet de cire rouge aux armes.
♦ Importante correspondance scientifique à propos de son livre Éléments de la géométrie de l’Infini (1727).

[James JURIN (1684-1750), médecin et physicien anglais, membre de la Royal Academy, était un fervent newtonien.]

— 18 mars 1733. « Quand je reçus la lettre dont vous m’avés honoré, et que j’eus veu d’un premier coup d’œil general que c’étoient des objections sur mon livre de l’Infini, je me demandai a moi mème si j’etois bien sincerement resolu a m’y rendre avec autant de bonne foi que je l’avois promis au Public dans ma Préface [...] je cederois sans honte a un homme de votre capacité et de votre reputation »... Mais Fontenelle n’a pas été convaincu par les objections de Jurin, qu’il discute point par point, notamment sur « le terrible Paradoxe des finis devenus infinis par l’élévation au quarré »... Il a lu les Dissertations de Jurin : « L’Attraction que vous supposés quelquefois me fait pourtant toujours de la peine. Si je voulois, je pourrois faire une espece de Parallele de l’Attraction, et de mon Paradoxe geometrique, mais j’avoue qu’il y auroit une vanité inexcusable a vouloir se comparer au grand NEWTON sur quoi que ce pust jamais être »...

— 17 mai. « Je croi qu’enfin nous voyons terre. Il me semble, ou je me flate beaucoup, que vous ètes un peu ébranlé, et que vous ne me croyés plus tout à fait si dépourvu de raison, mais quoi qu’il en soit, notre dispute se simplifie, et c’est toujours un grand bien, elle se reduit à certains termes, ou je voi precisément de quoi tout dépend entre nous. Vous me dites, je suis d’accord qu’en faisant un produit d’un terme fini quelconque dans la suite 1/A² par un nombre infini, ce produit sera un infini, mais je dis aussi que ce n’est pas la mème chose à beaucoup près, prendre une infinité de fois un mème terme fini, et prendre une infinité de termes finis, inégaux, et toujours décroissants. C’est à quoi je vous supplie, M. de bien penser. Il est vrai que ce point là expedié, tout est fini. Dans une progression arithmetique, prendre le produit du terme moyen par le nombre des termes, ou prendre la somme de tous les termes, c’est la mème chose, et mème dans toute autre suite, pourveu que l’on ait le terme moyen, qui sera alors le moyen, non de position et de valeur tout ensemble, comme dans la progression arithmetique, mais de valeur seulement. Je ne doute pas que vous ne m’entendiés bien. Si l’on n’a pas ce terme moyen de valeur, il est certain que le produit d’un terme quelconque par le nombre des termes ne donnera pas la valeur de la somme, mais il en donnera toujours l’ordre »... Etc.
Il conclut : « Vous avés très bien veu, Monsieur, que la somme infinie de 1/A est infiniment moindre que ∞. Elle l’est en effet, puisque ce n’est qu’un Infini radical pur. Je l’ai fait voir dans mon Livre art. 1413, et suivants, et je croi être le premier ». Il ajoute : « Je serai bien aise que la langue françoise servit à accommoder notre different. C’étoit bien de la malice à vous qui la parlés si bien, de m’écrire en Latin. Faut-il que la France ait perdu des hommes tels que vous, qui lui apartenoient ? Du moins souvenés vous que nous étions faits vous et moi pour être Compatriotes »...

— 7 juillet. « Il s’en faut bien que je ne sois le Pilote d’un aussi habile homme que vous, je ne suis qu’un simple Matelot, très peu expérimenté, mais j’ose vous soutenir encore avec assurance que nous voyons terre ». Et Fontenelle reprend leur discussion mathématique sur les nombres finis et sur la somme des termes d’une suite... « Je suis faché pour l’honneur de mon Pays d’apprendre que nous ne soyons pas compatriotes, mais du moins nous sommes confrères [...] je persiste a vouloir être du nombre de vos amis, et sera peutêtre un exemple rare dans les Lettres qu’une assés longue dispute ait fait naistre l’amitié »...

— 8 novembre. « Je crains bien que nous ne prenions le train de ne pas finir. Il vaudroit mieux s’arrester a un point unique et fondamental d’où tout dépend. Y a t-il dans A deux termes n et n+1, tels que n étant fini, n+1 soit infini ? Cela décidé tout est fait »...

— 1er mars 1734. « J’entre volontiers dans les accommodements, car je suis bien las de lutter contre un adversaire tel que vous et aussi supérieur en force. Ce ne sera [...] qu’une question de nom, et c’est pour cela que je differois de repondre a la lettre par laquelle vous me demandiés des définitions du fini et de l’infini. J’ai examiné la suite G, et je trouve qu’il y a veritablement de l’erreur », et il espère apporter dans une seconde édition quelques corrections « utiles et nécessaires »... En travaillant « au dernier volume de nos Histoires, j’ai eu occasion de vous nommer, et j’ai senti que je le faisois avec plaisir »...
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