Lot n° 80

DUPERON Louis Mémoire sur la Perse- Supplément au mémoire sur la Perse. 1795 MANUSCRIT in-folio de 14 ff. non …

Estimation : 2 500 - 3 000 EUR
Adjudication : 2 200 €
Description
Mémoire sur la Perse- Supplément au mémoire sur la Perse. 1795
MANUSCRIT in-folio de 14 ff. non foliotés reliés par une cordelette formant (22) pages écrites à l'encre brune (sur papier filigrané Blauw),(4) pages blanches, sans lieu [Paris], décembre 1795.
[...] L'horizon politique est encore couvert d'épais nuages. Sans doute il doit s'éclaircir, et le voile qui couvre le livre des destinées s'apprête à tomber. Le présent est gros de l'avenir, les révolutions d'aujourd'hui, ne sont que le prélude de révolution plus étonnantes encore [...] Chaque chose doit fixer l'attention de l'administrateur, du politique, du philosophe. Rien ne doit échapper à ses regards, tout doit être l'objet secret de ses méditations profondes [...] L'Asie offre dans ce moment au politique un champ vaste de méditations. Une de ses principales contrées vient d'éprouver une révolution dans son système politique qui, sagement conduite par notre influence, présenteront sans doute un résultat des plus avantageux pour nos relations commerciales. La Perse, cet empire, dont l'ancienneté respectable remonte aux premiers siècles connut la paix dont le soleil éclaircit chaque jour de nouveaux déchirements des révolutions sans cesse renaissantes s'est enfin constituée en monarchie. Un eunuque s'est emparé du Suprême pouvoir: Aga Mahomet-Kan. Après avoir terrassé tous ses rivaux, et s'être rendu maitre de la personne de Lotfalikan, le plus puissant de ses compétiteurs jouit en paix du prix de la victoire. La position de la Perse, confinante au nord avec la mer Caspienne et les terres de la Russie, à l'ouest avec celles des Turcs, ne doit pas nous permettre de rester plus longtemps indifférents [...] La Russie après avoir démembré la Suède, asservi la Courlande, partagé la Pologne, après avoir envahi le païs des Tartares, asservi la Crimée, après avoir fait flotter sur la mer Caspienne son pavillon dominateur menace sans doute la Porte Ottomane de lui donner des fers, c'est ainsi que Catherine en attirant à elle le produit du commerce du levant et des
Indes cherche à s'établir l'arbitre de l'Europe. Ses moyens sont des plus simples, 'abord par la possession de la Crimée, Constantinople dépend presqu'entièrement de la Russie, attendu que cette ville ne peut retirer de ce païs les provisions dont elle ne saurait se passer qu'avec l'agrément du cabinet de Pétersbourg, un refus de sa part la priverait de sa principale subsistance. En second lieu, la Russie a grand soin d'entretenir dans la
Turquie européenne les discordes civiles: tous les genres de corruption sont prodigués par elle, les grecs sont entièrement dévoués à ses intérêts. Les mêmes rapports religieux qui existent entre eux et les Russes, l'espérance d'un sort moins rigoureux les portent à favoriser les entreprises de la Russie. Le désir de secouer le joug ottoman se trouve encore fortifié par un motif particulier de vengeance envers la nation française. En effet, les grecs sont très répandus et font le commerce dans les états des princes d'Europe, il n'y a qu'en France qu'ils ne jouissent pas de ce privilège [...] Quoiqu'il en soit, il est certain, que la situation politique de la Porte Ottomane, devient de jour en jour plus précaire. Cet énorme colosse, après avoir pendant plusieurs siècles tenus en crainte l'Europe qui lui supposait des forces en raison de sa masse touche peut-être au moment de sa chute. La discorde intestine le mine et le dévore, l'oppression étrangère le menace d'une double invasion. Les finances dans un épuisement total depuis la dernière guerre; un découragement absolu dominant la soldatesque, l'Egypte ayant presqu'entièrement secoué le joug ottoman; chez les puissances Barbaresques, la Porte ne jouissant que d'un Phantome de pouvoir, la Syrie en révolte ouverte,la Walachie, la Moldavie,la Bulgarie dans une désorganisation complète,plusieurs autres Pachaliks menaçant à l'ombre de la protection russe d'établir leur indépendance,les grecs entièrement dévoués à cette puissance, le Divan divisé, irrésolu, ignorant et vendu en grande partie aux roubles de la Russie[...]Le bannissement politique de la Porte hors des terres d'Europe peut être déjà arrêt par des articles secrets du traité de partage. Telle est juste la situation actuelle de l'Empire
Ottoman,la moindre rupture entre lui et la Russie le plonge à jamais dans le précipice du néant,telle est mon opinion [...]Après avoir défait les Cosaques, les Calmouks et les Tartares,après avoir étendu les limites de son collossal empire jusqu'aux bords du Kamtschalka,le cabinet de Petersbourg songe sans doute à s'assurer de l'Asie entière [...]La seule puissance qui puisse former en Asie une barrière insurmontable à l'ambition de la diplomatie russe, c'est sans doute le royaume de la Perse. Seul, il a des forces assez considérables pour faire respecter son indépendance et opérer en cas de besoin une puissante diversion [...] La Russie est parvenue à allumer le flambeau de la discorde entre la Porte ottomane et le Royaume de la Perse [...] La France doit voir dans la chute de l'Empire Ottoman, la perte de son commerce et de la prépondérance dont elle jouit au levant.
C'est en vain qu'on chercherait à insinuer le contraire,car les liens intimes qui unissent aujourd'hui la Russie à l'Angleterre,feraient passer entre les mains de la dernière la plus grande partie du commerce [...] la Russie inébranlablement attachée à son système politique et fidèle aux principes funestes qui la dirigent en Europe ne cherche de même en Asie qu'à miner l'influence des autres gouvernements et à affaiblir leur puissance, à l'effet de s'emparer avec plus de facilité des plaines fertiles de l'Asie [...]
Partager