Lot n° 1244

TOLSTOI, Leon. O Golode [La Famine]. Épreuves corrigées. Sans lieu ni date, [Moscou, 1892]. In-folio (494 x 317 …

Estimation : 20 000 - 30 000 EUR
Adjudication : 12 006 €
Description
O Golode [La Famine]. Épreuves corrigées. Sans lieu ni date, [Moscou, 1892].
In-folio (494 x 317 mm) de 27 ff.n.ch. montes sur onglets: demi-maroquin rouge moderne, etui assorti (Loutrel).
Precieuses epreuves corrigees de l'article polemique sur la famine de 1891, interdit de publication sur ordre du tsar Alexandre III. Il etait initialement destine a la revue Voprosy Filosofii i psikhologuii ("Questions de philosophie et de psychologie"). Les milieux gouvernementaux redoutaient l'influence "anarchiste et socialiste" de Tolstoi sur les paysans. Le ministre de l'Interieur, Dournovo, conseilla au tsar de le faire enfermer dans un monastere. Alexandre III s'y refusa: "Je n'ai nulle envie de faire de lui un martyr et d'exciter contre moi l'indignation générale". Paru en anglais dans le Daily Telegraph en janvier 1892, l'article fut augmente et devint un livre qu'il fit traduire en francais, de facon a alerter l'opinion europeenne: La Famine (1893).
Le comte Tolstoi apotre des paysans russes et philanthrope: A l'ete 1891, une grave famine due a une secheresse exceptionnelle decima la Russie centrale. Frappe d'horreur par le fleau, il abandonna le livre qu'il avait en chantier et partit pour les regions sinistrees pendant tout l'hiver, accompagne de ses deux filles ainees et de ses fils pour organiser des cantines populaires. De fait, ce n'est pas un hiver mais deux annees qu'il consacra a lutter contre la famine et la misere (1891- 1893). Jete dans l'action avec son ardeur coutumiere et un etonnant sens pratique, sa croisade lui permit de faire envoyer semences, chevaux, ble et choux par wagons entiers. Plus de 200 cantines furent ainsi ouvertes. (Leon Tolstoi, B.N., 1960, n° 147).
Tres precieux document. Les corrections de la main de Tolstoi les plus importantes se trouvent aux feuillets 5, 16, 17 et 19. Les autres sont de la main de sa femme et d'autres personnes - soit ses filles, soit un secretaire. On distingue enfin des annotations au crayon, avec la mention Levachov: peut-etre des notes de lecture d'un tiers en vue de la censure. En marge du feuillet 18 on peut lire, inscrit au crayon bleu, le manuscrit d'un passage que Tolstoi avait retire par crainte de la censure, le jugeant trop critique. En effet, apres la phrase imprimee, au debut du second paragraphe: "Le peuple a faim du fait que nous sommes trop repus", tout un passage est barre a la plume et remplace par le texte manuscrit qui commence par ces mots: "Vraiment le peuple pourrait-il ne pas avoir faim" et se termine, en bas de la page, par: "Rien de neuf ou d'inattendu ne s'est produit. Et l'on peut savoir, semble-t-il pourquoi le peuple a faim" Dans le numero de janvier 1892 de la revue mensuelle Knijki nedeli (supplement litteraire du quotidien Nedelia), le texte russe, encore grandement remanie par Tolstoi, parut sous le titre "Pomochtch' golodnym" (L'Aide aux victimes de la famine). Il doit etre considere comme la premiere edition russe de l'article, malgre les differences importantes qu'il presente avec le texte initial. Ce dernier ne parut pour la premiere fois en russe qu'en 1896 a Geneve, sous le titre de "Pis'ma o golode" (Lettres sur la famine), chez Elpidine. Quand il fut informe du rejet de son texte par la censure, Tolstoi avait demande a sa femme de s'occuper de sa diffusion a l'etranger: "Prends, s'il te plaît, mon article, celui de Grot, dans sa dernière version sans atténuations, mais avec les corrections que j'avais demandé à Grot d'introduire et fais-le recopier et envoie-le à Saint-Pétersbourg à Hansen et Dillon, et à Paris à Halpérine. Qu'ils le publient donc là-bas: de là il nous reviendra et les journaux le retranscriront."
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