Description
l'angle inférieur gauche au verso).
Lettre véhémente écrite depuis l'hospice de Charenton, où Sade se défend de l'injuste accusation d'être responsable de l'émigration de ses enfants au moment de la Révolution, «un échafaudage de calomnies».
«[...] Le certificat des citoyens de la Charité de Charenton qui atteste que j'ai été détenu chez eux jusqu'au 3 avril 1790 ; et à cette époque les enfants dont il s'agit étaient déjà partis [...] Je suis séparé de corps et de bien avec ma femme depuis 18 ans, il y en a 22 que je n'ai vu mes enfants, il y a en a 22 que ma femme en est seule et spécialement chargée, je ne les ai moi, jamais ni vus ni connus que dans leur tendre enfance. Depuis 18 ans je n'habite ni avec ma femme ni avec mes enfans ni avec les parens de ma femme ; depuis la révolution, jettés moi par sistème et par reconnaissance dans le plus haut degré du patriotisme. Je n'ai pu ni n'ai du avoir aucune sorte de liaison avec de pareils gens, que diable me cherche-t-on donc sur ce fait. Il est inexplicable que l'on veuille me composer des torts sur cet objet, et il n'y a que la méchanceté ou la plus mauvaise volonté qui puisse soutenir cet échafaudage de calomnies contre moi, la plus légère atention suffit pour convaincre de mon innocence même le plus entêté [...]. GAUFFRIDI [son avocat] se cache et ne peut rien pour moi, LIONS est détenu je n'ai donc plus absolument que vous et je suis perdu si vous m'abandonnés. Je vous recommande toujours les débris de ma pauvre famille, à défaut des facultés humaines soyez bien sûr que le ciel vous récompensera de ce que vous faites dans ce moment ci [...]».
La lettre n'est pas datée mais les précisions que donne Sade «je suis séparé de corps et de bien avec ma femme depuis 18 ans» (la séparation fut effective en 1790) permet d'avancer cette date. La lettre fut vraisemblablement écrite depuis l'asile de Charenton car depuis le 27 avril 1803, le marquis de Sade avait de nouveau été arrêté, pour deux de ses écrits : La nouvelle Justine et Les Crimes de l'amour, ayant été surpris par la police chez son imprimeur lors d'une perquisition. Il semble ici qu'une nouvelle accusation, totalement fausse, plane au-dessus de sa tête, celle d'avoir encouragé ses enfants à émigrer au moment de la Révolution. Déjà le Marquis avait dû se défendre d'avoir lui-même émigré. En effet, sans doute à la suite d'une malveillance, le nom de Sade avait été à deux reprises inscrit à tort sur la liste des émigrés du département des Bouches du Rhône puis du Vaucluse. Le marquis avait de quoi s'indigner puisqu'il avait été, dès sa libération par la Constituante en 1790, l'un des membres les plus actifs de la célèbre «section des piques» furieusement anti-royaliste. Un décret datant de 1797 vint sans doute remettre au jour cette question puisque ce décret stipulait que les noms des nobles ne pouvaient être supprimés de la liste des émigrés et que leurs biens pouvaient toujours être saisis et confisqués. En outre il était précisé que les parents étaient tenus pour responsables de l'émigration de leurs enfants. Or on sait que les deux fils de Sade, tous deux militaires, émigrèrent au moment de la révolution, désertant leur garnison, qui entraîna un désaveu public de leur père. Dans cette lettre Sade s'efforce de démonter point par point «cet échafaudage de calomnies» à la fois en faisant valoir son patriotisme et en démontrant qu'il n'avait plus aucun lien, «depuis 22 ans» avec ses enfants, d'ailleurs majeurs au moment des faits. Au passage il a des mots très durs pour sa belle-famille «je n'ai pu ni n'ai dû avoir aucune sorte de liaison avec de pareils gens».
Signed autograph letter addressed "to a dear citizen" S.l.n.d. [Charenton, early 1808]. 2 pages small in-4 in brown ink (a few words from another hand, half erased, in the lower left corner on the back). A vehement letter written from Charenton's hospice, in which Sade defends himself from the unjust accusation that he was responsible for the emigration of his children at the time of the Revolution, "a scaffolding of slander". "...] The certificate of the citizens of the Charity of Charenton, which attests that I was detained with them until April 3, 1790; and at that time the children in question had already left ... I have been separated from body and soul with my wife for 18 years, 22 years since I have seen my children, 22 years since my wife is alone and especially in charge of them; I myself have never seen or known them except in their early childhood. For 18 years I have lived neither with my wife nor with my children nor with my wife's relatives; since the revolution, I have been thrown out of the highest degree of patriotism by system and gratitude. I could not and should not have had any kind of connection with such people, so what on earth is the matter with me on this fact. It is inexplicable that they would try to make up wrongs against me on this object, and only malice or ill will can sustain this scaffolding of slander against me, the slightest atention is enough to convince even the most stubborn of my innocence [...]. GAUFFRIDI [his lawyer] is in hiding and can do nothing for me, LIONS is detained, so I have no one left but you and I am lost if you abandon me. I always recommend you the debris of my poor family, for lack of human faculties be sure that heaven will reward you for what you are doing in this moment [...]". The letter is not dated, but the details given by Sade "I have been separated from body and property with my wife for 18 years" (the separation was effective in 1790) makes it possible to bring this date forward. The letter was probably written from the asylum of Charenton because on 27 April 1803, the Marquis de Sade had again been arrested, for two of his writings: The short story Justine and The Crimes of Love, having been surprised by the police at his printer's house during a search. It seems here that a new accusation, totally false, hovers over his head, that of having encouraged his children to emigrate at the time of the Revolution. The marquis had already had to defend himself from emigrating himself. Indeed, no doubt as a result of malice, Sade's name had twice been erroneously entered on the list of emigrants from the Bouches du Rhône and then Vaucluse departments. The Marquis had reason to be indignant since he had been, as soon as he was liberated by the Constituent Assembly in 1790, one of the most active members of the famous "section des piques", furiously anti-royalist. A decree dating from 1797 undoubtedly brought this issue to light again, since it stipulated that the names of the nobles could not be removed from the list of emigrants and that their property could always be seized and confiscated. In addition, it was specified that parents were held responsible for the emigration of their children. It is known that Sade's two sons, both soldiers, emigrated at the time of the revolution, deserting their garrison, which led to the public disavowal of their father. In this letter, Sade tries to dismantle point by point "this scaffolding of slander" both by asserting his patriotism and by demonstrating that he had no longer had any link, "for 22 years" with his children, who were, moreover, of age at the time of the events. In passing, he has very harsh words for his in-laws: "I could not and should not have had any kind of connection with such people".