Lot n° 481

COLETTE (Sidonie Gabrielle dite) — Correspondance autographe avec Madame Gros. — Janvier 1937-novembre 1951, et s. d. — 91 p. in-12 et in-8, à l'encre. — Certaines lettres sur papier à en-tête d'hôtels et de l'Académie Goncourt.

Estimation : 3 500 - 5 000 €
Adjudication : 3 900 €
Description
Bel ensemble de 46 lettres ou cartes autographes signées adressées à Madame Gros (Marie-Thérèse ?) à Juan-les-Pins.

La correspondance s'échelonne sur quatorze années, du 20/01/1937 au 21/11/1951 et s'achève moins de trois ans avant la mort de Colette. Elle la surnomme souvent « Chère Belle-Lurette ».

Admiratrice de Colette, Mme Gros devient bientôt une familière et Colette l'entretient de sujets variés. Le ton y est enjoué et avec des touches humoristiques. La première lettre de Colette donne le ton : « Madame, Ce n'est pas sans appréhension que j'écris à une siamoise. Car, ainsi que chante Maurice Chevalier :
'Quand une siamoise, /
Rencontre une aut' siamoise. Quoi donc qu'elle lui dégoise ? /
Des histoires de siamoises !' » (20 janvier 1937).

Elle la gronde de se montrer si prodigue en cadeaux :
« Et si on vous collait un conseil judiciaire, siamoise ? […] Je vous remercie avec sévérité » (22 novembre 1937). Et la lettre court sur les derniers nés des chats de Colette :
« Le dernier couple issu de Tigri, les plus beaux, s'appellent Jean Chat et Agate Sanzache ».
À l'occasion, elle lui adresse une photo légendée avec un mot en guise de remerciement : « Chats pour chats ! Oranges naines, chats de Lilliput,
corbeille pour atomes, tout est arrivé le 28 au matin » (1937 ?). Des notes intimes sur sa santé déclinante figurent dans les dernières lettres :
« Ma charmante 'docteur' me met un peu de camphre dans… la fesse » (2 octobre 1950).

Cette correspondance présente des lettres plus sombres sur la vieillesse et la vente d'une maison :
« Que vous dirai-je de moi ? Rien, sinon que je vieillis et que je travaille. Pour changer, que la Treille muscate est à vendre. Dans vos puissantes et siamoises relations, trouvez lui un acquéreur ? ».
Il s'agit de la célèbre propriété de Colette à Saint-Tropez. D'autres courent sur le froid dans les premiers mois de la guerre : « Nous avons eu vraiment trop froid. Car le mal qu'endurent les soldats ne nous détournera pas, hélas, de sentir le nôtre. » (7 février 1940), et l'angoisse devant l'avenir incertain, palpable dans la lettre suivante : « Paris n'est pas intenable. Ce sont les routes qui semblent affreuses.
Trop d' 'évacués' bénévoles. La Normandie s'évacue sur la Bretagne. Où ira la Bretagne ? Ma fille est en Limousin. Si je devais partir, je n'ai plus à emmener, pourvue de son bagage et souriante à tout déplacement, celle qui dans l'ombre était presque aussi bleue que la pervenche » (23 mai 1940). Il y est peu question de son œuvre, mais on y trouve tout de même une référence à l'écriture de la dernière partie de ses « Souvenirs » : L'Étoile Vesper (13 (?) novembre 1945) qui paraîtra en 1946. Colette se plaint parfois du travail pour le Goncourt qui lui prend beaucoup de temps :
« Trop de livres à lire pour le Goncourt. Une centaine, je crois. » (28 octobre 1947).
Au fil des lettres, quelques relations importantes de Colette apparaissent : les Polignac (26 juillet 1946), le pacha de Marrakech (lettre du 28 octobre 1946) qui l'avait reçue dans son palais en 1926, Natalie Clifford Barney (« l'Amazone » de Rémy de Gourmont, lettre de février 1947), Pierre Mac-Orlan (31 janvier 1950), le Prince Rainier de Monaco (9 mai 1950), François Mauriac (21 février 1951).

Cette correspondance a fait l'objet d'un signalement et d'une publication partielle dans les Cahiers Colette en 2008.

─ Bibliographie :
« Lettres à Mesdames Gros et Belle Lurette : sous le charme d'une siamoise », Cahiers Colette, 30, 2008.

Traces de pliures, quelques rousseurs éparses, mouillure marginale sur une lettre.
Partager