Lot n° 1087

BACH Johann Sebastian (1685-1750). — MANUSCRIT MUSICAL autographe, fragment de la cantate Ich habe meine Zuversicht BWV 188, [1728] ; 2 pages d’un feuillet d’environ 15,8 x 19,5 cm (défauts dûs à l’acidification de l’encre, avec petites...

Estimation : 100 000 - 120 000 €
Adjudication : 182 000 €
Description
fentes et pertes, dans le haut du fragment renforcé par une bande de papier collant ancien sur environ 4 x 18 cm du recto, assez décoloré, la partie inférieure en bon état), scellé sous chemise d’archive à vitrine (198 x 232 mm), chemise de maroquin bleu et étui.
♦ Rarissime et précieux fragment musical autographe d’une cantate de Bach.

Ich habe meine Zuversicht (« J’ai placé ma confiance en mon Dieu fidèle »…) BWV 188 est une cantate pour le 21e dimanche après la Trinité, composée sans doute pour le 17 octobre 1728 (ou peut-être le 6 novembre 1729). Le texte, comme souvent à cette époque, fut tiré de Picander (Christian Friedrich Henrichi, Ernst-Schertzhaffte und Satyrische Gedichte, Leipzig, 1728).

« À propos de la guérison par le Christ du fils d’un fonctionnaire à Capharnaüm, le livret est un simple chant glorifiant la confiance en Dieu, à l’image de cet homme à qui le Christ avait dit “Ton fils vit”, et qui crut à cette parole. Il met à nouveau l’accent sur la foi qui sauve le chrétien au milieu des vicissitudes de la vie. C’est en Dieu qu’il met sa confiance et son espoir, puisqu’il est tout amour.
Ses desseins sont insondables, et même dans les tourments il continue à mener ses créatures pour leur bien » (Gilles Cantagrel, Les Cantates de J.-S. Bach).

L’effectif comprend 4 voix, 2 hautbois, alto, orgue obligé et basse continue.
Le présent fragment se rattache au 4e mouvement, Aria pour alto accompagnée par le violoncelle et l’orgue. Il correspond à la moitié inférieure du f. 17 du manuscrit original, comprenant les mesures 59b-66 et 73-76, soit 11 mesures et demie de la conclusion du mouvement, sur les paroles « Seinen führt, unerförschlich iste die Weise, Wie der Herr die Seinen führt, unerförschlich iste die Weise, Wie… » (Insondable est la manière dont le Seigneur mène les siens…), avec la conclusion instrumentale, suivie de la mention « Seq. Recit ».
Il est noté sur 4 systèmes de 4 portées. « La confiance en Dieu peut être mise en doute face aux peines éprouvées par le chrétien en son existence, même s’il faut bien savoir que tout ce que l’on a à subir l’est pour notre bien. Pour mieux cerner ce climat de doute et de souffrance, c’est la voix de l’alto qui s’exprime ici, et dans cette tonalité de mi mineur à laquelle Bach avait déjà eu recours dans l’air de ténor de la cantate Ich glaube, lieber Herr BWV 109, pour ce même dimanche, afin de traduire l’espoir chancelant du chrétien mal assuré de sa foi. Cet air est écrit en un trio qui favorise les registres graves de la voix d’alto et du violoncelle assurant la basse continue, tandis que la main droite de l’organiste concerte dans l’aigu avec l’alto. Les triolets et les syncopes de la partie d’orgue, dont peu à peu s’empare le soliste, établissent un sentiment d’instabilité, presque d’errance, caractérisant les doutes qui envahissent l’âme du chrétien » (Gilles Cantagrel).

─ Provenance.
Le manuscrit autographe de cette cantate BWV 188, comptant à l’origine 18 feuillets, a subi de nombreuses vicissitudes. On croit qu’il a figuré parmi un lot de manuscrits dont hérita le fils aîné impécunieux de Bach, Wilhelm Friedemann, et que ce dernier fit vendre aux enchères en 1774.

Les dix premiers feuillets ont été perdus depuis lors, emportant avec eux la majeure partie du premier mouvement (lequel peut être identifié comme un remaniement du dernier mouvement d’un concerto pour violon, perdu, employé aussi dans le concerto pour clavecin BWV 1052).

Des fragments de l’héritage de Wilhelm Friedemann repassèrent en vente en 1827 et furent acquis par l’ingénieur et collectionneur Carl Philipp Heinrich Pistor (1778-1847). Les manuscrits de Pistor furent hérités par son gendre, Adolf Friedrich Rudorff (1803-1873), puis passèrent au musicologue Friedrich Wilhelm Jähns (1809-1888). Le présent feuillet fut l’un de quatre acquis de Jähns par le collectionneur viennois Gustave Petter (1828-1868), que l’on tient responsable de leur démembrement.

Les feuillets restants de la cantate sont éparpillés maintenant, et 4 feuillets sont découpés, comme ici, en deux, voire trois morceaux ; quoique les fragments se trouvent en dix collections et en huit pays, ils se suivent suffisamment pour permettre de reconstituer la cantate sans lacune significative, du deuxième au cinquième mouvement.

Le fragment présent, qui comporte la moitié inférieure du f. 17, est identifié dans le Kritische Bericht comme A14 (collection particulière inconnue).

Le même ouvrage constate que l’acidification d’encre évidente qui a affecté la moitié supérieure du présent fragment est caractéristique des feuillets démembrés, et résulte en partie de l’écriture très dense de composition du compositeur (en l’occurrence avec de nombreuses doubles-croches).

Le dernier propriétaire du présent fragment, selon le Kritische Bericht du Neue Bach-Ausgage (1997), est Nora Kluge (née von Hase), de Lübeck, épouse du compositeur et musicologue Manfred Kluge (1928-1971), qui en hérita, probablement, de son grand-père, Oskar von Hase (1846-1921), propriétaire des éditions musicales Breitkopf & Hartel. Il passa en vente à Londres chez Christie’s (4 novembre 1981, lot 144) ; acquis par Frederick Lewis Maitland PATTISON (1923-2101, ex libris), il repassa en vente chez Christie’s (21 mai 2014, lot 15).

♦♦Les manuscrits de Jean-Sébastien Bach sont de la plus grande rareté.
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