Lot n° 78

SEGALEN (Victor) — René Leys. Paris, les Éditions G. Crès & Cie, 1922.

Estimation : 8000 - 10000 €
Description
In-16, 257 [dont les 2 premières blanches]-(3 dont la dernière blanche) pp., exemplaire à grandes marges (182 x 138 mm), maroquin noir, dos lisse, plats ornés d'un décor géométrique mosaïqué et à froid rayonnant à partir d'un point central doré et se poursuivant sur le dos, doublures de veau brun en bord à bord, gardes recouvertes de soie brochée chinoise ancienne polychrome, tranches dorées, couverture conservée d'un seul tenant avec dos restauré, chemise à dos et recouvrements de maroquin noir, étui bordé ; dos de chemise un peu passé, étui très légèrement frotté (Paul Bonet - 1948). Édition originale, un des 24 exemplaires de tête numérotés sur chine, le n° 2, parmi les 20 hors commerce sur ce papier. Couverture illustrée d'une gravure sur bois par le peintre Georges-Daniel de Monfreid, tirée en trois tons. Exemplaire enrichi de deux coupons de soierie chinoise ancienne à motif de dragon de la collection Victor Segalen ayant servi de modèle à Georges-Daniel de Monfreid pour sa composition de couverture. Le dessin original de cette composition de Monfreid, originellement prévue pour Peintures, a été relié dans l'exemplaire de ce recueil décrit ci-dessus sous le n° 75. Les mystères de Pékin, histoire d'un dévoilement sans espoir d'élucidation. En 1910, Victor Segalen se trouvait en Chine et connaissait une intense période d'activité littéraire. Il fit alors la rencontre d'un jeune homme, Maurice Roy, fils d'un receveur principal des postes à Pékin, qui lui donna des cours de Pékinois et lui fit découvrir la ville en détail. Victor Segalen peinait sur un de ses projets en cours, son roman Le Fils du ciel consacré à la vie de l'empereur Kouang-Siu (Guangxu, 1871-1908), et il crut d'abord trouver en ce nouvel ami fascinant une source de premier ordre : celui-ci affirmait avoir ses entrées au Palais et lui livrait mille détails et anecdotes sur la vie intime et politique de ce lieu fermé. Victor Segalen notait ses remarques dans un dossier intitulé Annales secrètes d'après M.R., mais progressivement le doute s'installa en lui devant la foison et parfois l'extravagance de Maurice Roy, lequel prétendait être l'amant de l'impératrice Longyu, veuve de Kouang-Siu, et occuper de hautes fonctions au sein de la police secrète. En 1912, toute confiance en lui était ruinée. Cependant, Victor Segalen ébaucha vers le printemps de 1913 une œuvre parallèle au Fils du Ciel, qu'il centra sur Maurice Roy, et qu'il intitula Jardin mystérieux, puis Notes d'après René Leys et enfin René Leys. Il mena la rédaction en 3 temps, du 1er novembre 1913 au 31 janvier 1914, à la fin de 1914, et d'avril à août 1916. Il mourut cependant avant de pouvoir le publier, et c'est son ami Jean Lartigue qui en donna une première version, édulcorée, dans la Revue de Paris (15 mars-1er mai 1921), avant de la livrer complètement dans une édition chez Georges Crès en 1922. Envers de son roman impérial, René Leys se présente sous les formes apparentes d'un roman policier ou d'un feuilleton d'aventures populaire, mais Victor Segalen y tourne le genre en dérision en construisant le récit autour d'une énigme insoluble : le mécanisme narratif habituel de dévoilement n'élucide rien. Le narrateur, double de Victor Segalen, tient un journal de sa relation avec René Leys, double de Maurice Roy, mais les confidences obtenues de celui-ci semblent être née des questions mêmes du narrateur. René Leys meurt finalement sans livrer son secret, sa part de vérité et d'affabulation. En avril 1919, Victor Segalen affirmait encore à son amie Hélène Hilpert, au sujet de René Leys : « Même encore, même pour vous, je n'ai pas la clef, pas le mot ». À la lecture du roman, Paul Claudel adresserait ces mots à la veuve de Victor Segalen, le 7 janvier 1922 : « René Leys est un beau roman d'allure fière et rapide. – On est tout le temps à cheval autour d'un mystère central impénétrable. N'est-ce pas la vie de votre mari ? » Superbe exemplaire habillé par Paul Bonet d'une de ses fameuses reliures « irradiantes ». Celui-ci précise dans ses Carnets : « mar. vert myrte : au centre un fer de 42m[m] de diam., gaufré en forme d'irradiante à ondes continues aux filets noirs brillants [...] une soie brochée chinoise ancienne [...] a été utilisée pour les gardes . 6-47 1-48. [Ferdinand] Giraldon, rel. [Robert] Cochet, dor. » (n° 822). Entièrement conçue par Paul Bonet, cette reliure a été réalisée par le relieur Ferdinand Giraldon, qui fut un de ses premiers et plus fidèles collaborateurs de 1929 à 1957. Ce manuscrit fut présenté dans l'exposition Victor Segalen, poète de l'Asie tenue à la galerie librairie Palmes d'Hubert Deschamps à Paris en 1950 (n° 39 du catalogue imprimé), et est mentionné dans le catalogue de l'exposition Victor Segalen tenu à la Bibliothèque nationale de France d'octobre à décembre 1999 (p. 126, dans la notice du n° 127).
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