Lot n° 104

BRETON (André) — Manuscrit autographe signé intitulé « La Nuit du Rose-Hotel et la collection "Révélation" qu'elle inaugure » [1949]. 4 ff. in-folio, ratures et corrections.

Estimation : 800 - 1000 €
Description
Discours programmatique pour la collection qu'il dirigerait de manière éphémère aux éditions Gallimard, et présentation du roman de Maurice Fourré La Nuit du Rose-Hôtel qui, en octobre 1950, serait le premier – et le seul – à paraître dans cette collection. Le présent texte d'André Breton parut d'abord en janvier 1949 dans Les Cahiers de la Pléiade (n° 8). « ... Cette collection ne saurait faire double emploi avec celle que dirige sous le titre Espoir, notre ami Albert Camus. Si les aspirations en sont finalement concordantes, la part que j'entends faire à l'aventure spirituelle et le champ illimité que je lui assigne, contrastent assez avec son propos qui semble être plutôt d'intervenir sur le plan de la conscience mentale et morale de ce temps pour sauver et restaurer au plus vite ce qu'il en reste. Il s'agit de promouvoir au jour un certain nombre d'œuvres réellement à part, dont l'accès ne laisse pas toujours de présenter certaines difficultés mais dont la vertu est de nous faire voir au large de la vie que nous croyons mener, par là de soustraire à la stéréotypie et à la sclérose, les forces vives de l'entendement. Une telle collection n'évitera pas de faire une place à certaines œuvres du passé qui n'ont pas atteint de leur temps la résonance voulue, soit que pour une raison ou une autre leur divulgation soit restée confidentielle, soit qu'elles se soient voulues à contre-courant, soit qu'elles aient nécessité de comporter une très grande marge d'anticipation. Il semble qu'on puisse aussi bien parler de révélation à propos de telles œuvres introuvables, dont la mise en valeur a dû attendre l'éclairage d'aujourd'hui. C'est seulement du rapport qui s'établira entre ces œuvres d'actualité seconde et des œuvres inédites d'aujourd'hui que doit résulter une nouvelle manière d'envisager la situation de l'homme dans le monde et se déduire le moyen de l'affranchir des contraintes inhérentes au mode routinier de plus en plus généralement appliqué à la formation de son esprit... Le message de M. Maurice Fourré, "immobile d'émoi, sous les arceaux cristallins du verbe", s'il s'impose d'abord par l'éminence de ses qualités formelles, reste en profondeur tout entier à déchiffrer. Sans doute les clés qu'il convient de faire jouer pour le pénétrer ne pendent-elles pas à tous les trousseaux, comme c'est le cas pour les œuvres qui, sous des dehors romanesques investissant les plus dynamiques aspects de la réalité quotidienne, recouvrent des intentions paraboliques plus ou moins conscientes. Le premier problème qui se pose au sujet de M. Fourré comme au sujet de Kafka est de savoir si chez lui, comme, a-t-on dit, "chez Flaubert, le langage invente son objet à l'instant qu'il le dévoile" [citation de René Micha] ou si nous sommes en présence d'un dessein nettement prémédité. Au cas où ce dessein s'avérerait bien établi, il resterait à savoir s'il est d'ordre religieux ou initiatique... » André Breton convoque encore Michel Carrouges, Malcolm de Chazal, Julien Gracq, Lautréamont, Thérèse d'Avila, la philosophie chinoise, ou un mythe des Indiens de Colombie britannique.
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