Lot n° 160

MIRBEAU (Octave) — Manuscrit autographe signé intitulé « Le chef-d'œuvre ». [Juin 1900]. 4 ff. in-4.

Estimation : 500 - 600 €
Description
Critique sarcastique de la poésie du symboliste Francis Vielé-Griffin, dans le cadre d'une virulente polémique par voie de presse : Octave Mirbeau avait égratigné Francis Vielé-Griffin dans deux articles successifs parus dans Le Journal, le 2 février 1897 et le 20 mai 1900 (« Espoirs nègres »). Le poète Edmond Pilon prit alors le contrepied de ces attaques dans une critique publiée dans La Plume le 1er juin 1900, où il faisait en particulier l'éloge du poème « La chevauchée d'Yeldis », ce qui poussa Octave Mirbeau à proposer sa propre analyse littéraire, assassine, de ce poème, dans le présent article paru dans Le Journal le 10 juin 1900. « M. Edmond Pilon, dans La Plume, avec une bienveillance ironique dont je le remercie, me reproche fort d'avoir, ici-même, maltraité M. Vielé-Griffin, "un grand, pur et noble poète". Parmi les ouvrages de ce pur, noble et grand poète, M. Edmond Pilon cite avec une admiration émue "La chevauchée d'Yeldis", un chef-d'œuvre, le chef-d'œuvre ! Ah ! Je connais depuis longtemps cette opinion. Elle a cours dans un milieu de jeunes poètes, et voici exactement ce qui arrive. Quand ils ont dix-sept ans, les poètes disent : "le grand poète Vielé-Griffin". À dix-neuf ans, ils disent encore : "le poète Vielé-Griffin". À vingt ans, ils ne disent plus que : "Vielé-Griffin". À vingt-et-un ans, ils ne disent plus rien du tout et ils passent à un autre. M. Edmond Pilon conserve la juvénilité de son enthousiasme. Je ne l'en blâme pas, puisqu'il y trouve tant de joies. Mais est-ce une raison suffisante pour affirmer comme il vient de le faire que je n'entends rien à la poésie et que le vers libre m'est tout à fait fermé. Rien de plus juste si M. Edmond Pilon veut borner mon incompétence à la poésie et au vers libre de M. Vielé-Griffin. Il est parfaitement vrai que je me refuse à prendre pour des vers libres et même pour de la prose esclave les vers de M. Vielé-Griffin. Si libre qu'il soit, un vers doit exprimer quelque chose, une idée, une image, une sensation, un rythme. Or je défie M. Edmond Pilon de nous prouver que les vers de M. Vielé-Griffin expriment quelque chose d'autre qu'une mystification, laquelle, vraiment, a trop duré. Cela, d'ailleurs, est facile à démontrer. Non pas des théories et des discussions dans lesquelles on ne s'entend pas et qui ne démontrent jamais rien, mais par M. Vielé-Griffin lui-même. Voici donc cette "Chevauchée d'Yeldis, qui est un chef-d'œuvre, et même le chef-d'œuvre de M. Vielé-Griffin. Nous allons la lire ensemble, si vous le voulez bien... [Octave Mirbeau transcrit ensuite une large partie du poème en question, qu'il assortit de commentaires acérés, avant de conclure :] Tel est ce chef-d’œuvre, tel est le chef-d’œuvre de M. Vielé-Griffin !... Eh bien, je le demande, en toute bonne foi, à M. Edmond Pilon, qu’est-ce que tout cela veut dire ?... Quelle est cette langue ? Est-ce du patois américain ? Est-ce du nègre ? Qu’est-ce que c’est ? Ah ! je voudrais le savoir !... »
Partager