Lot n° 38

TINAN Jean de (1874-1898). 17 lettres autographes signées, 1895-1898, à Pierre LOUYS ;

Estimation : 8000 / 10000
Adjudication : 8 000 €
Description
39 pages formats divers, enveloppes. BEL ENSEMBLE INEDIT REFLETANT LA PROFONDE AMITIE QUI LIAIT JEAN DE TINAN ET PIERRE LOUYS. Cette correspondance inédite (qui ne figure pas dans la Correspondance publiée par Jean-Paul Goujon en 1995) retrace l'époque de la revue Le Centaure et les relations entre ses collaborateurs, dont Henri ALBERT, André LEBEY. Tandis que Tinan est en proie à une santé fragile et forcé de rester au repos, notamment à l'abbaye de Jumièges dans sa famille, Louys voyage ; Tinan lui écrit à Alger, Montigny-sur- Loing, Paris. Il lui fait part, non sans panache et humour, des rebondissements de ses histoires sentimentales, de ses lectures, de ses travaux en cours et de l'évolution de sa santé. Plaquette autographe signée, La Corde d’Argent, Chronique, MDCCCXCVI (cahier de 16 p. sur papier Japon, dont 7 écrites), dédicacée “à mon ami Pierre Louys”, et datée “Abbaye de Jumièges - Septembre 1895”. Une page de faux-titre annonce trois ouvrages en préparation : Les Niobides, Le Démon de Satyre et C. Valerius Catullus, Veronensis. L'épigraphe est empruntée à l'abbé de Saint-Real : “.Un miroir que l'on promène le long d'un chemin”. Enfin, la première (et dernière) partie s'ouvre sur ce texte : “Je n'ai pas voulu vous faire attendre trop longtemps la dédicace qui vous est due. Voici - déjà - le début de mon prochain livre. J'y ai, jusqu'ici, respecté toutes les idiosyncrasies (cf. Paludes). N'oubliez pas, demain, midi, au d'Harcourt”. [21 décembre 1896]. “D'abord, à Zohra bent Brahim - (Z.b.B.) - ta folle mattresse aux cils purs, salut - Et puis quelques lignes en attendant que la mienne (de mattresse aux cils purs) arrive. D'abord j'ai la queue écorchée (mauvais, très mauvais, très) et fâcheusement engorgés sont mes ganglions inguinaux (très mauvais) - alors je ferai seulement des choses. Bien. T'es renseigné. Et puis j'ai interrompu mon roman Mémoires d'un j. h. sans scrupules parce que je bafouillais un peu. Je fais avant une machine sur l'adultère (joli sujet !), ou, sous le titre provisoire de Tu me plais ! Je dis quelques choses définitives sur la jalousie telle que. je voudrais la concevoir”. Il interroge Louys sur ses ouvrages en préparation. Il raconte ses sorties, ses rencontres. Il évoque VALERY, de retour à Paris, et GIDE, “qui va foutre le camp (Ubu-roi)” et s'apprête à publier quatre ouvrages, ainsi que LEBEY, qui a mécontenté beaucoup de monde. 1897. Vendredi [17 janvier]. Il vient de “tuer Jeanne la Pâle” et collabore au Chat noir. Jeudi [15 février]. “Te v'la disparu tel une ombre légère - et mon Prince de la Science ne m'a pas du tout conseillé d'aller te rendre visite à Étretat. Tant pis tant pis. Rien de neuf”. [22 mars]. Les piles d'Aphrodite illustrée semblent bien se vendre. Il est passé la veille chez HEREDIA pour “jeter les premières bases d'une concurrence à Ubu-roi - La Chimerdre - cela a fini par un jeu de petits papiers terrible”. Il a lu le roman de Lebey : “C'est bien bien mieux que je n'espérais, et, sans préjuger de rien, je suis moi tout à fait content”. Quant à son Penses-tu réussir, “c'est décidément une reuvre forte et délicate - écrite par une main de fer dans un gant de velours”. Dimanche [11 avril]. Il se repose à la campagne, conformément aux prescriptions de son médecin. Son livre est chez l'imprimeur ; il reviendra à Paris quand tout sera prêt. “Comme il y a longtemps que tu es parti ! Je ne sais si c'est parce que, pour moi, il s'est pendant ce temps passé un tas de choses, mais tu m'apparais dans un lointain miraculeux”. Il évoque FONTAINAS, qui a publié ses Crépuscules : “Je me suis aperçu, à cette occasion que c'était un très bon poète”. Il a un faible pour Bilitis, et a relu Aphrodite : “ Mon cher, y'a pas, tu as fait un tour de force d'écrire un livre qui n’ennuie jamais. Je ne rabâche pas que c'est très bien... Je constate, et c'est rudement épatant, qu'après avoir lu cela une vingtaine de fois, je peux encore, sans aucun ennui en faire la lecture. Jamais je n'arriverai à cela, moi. !”. Il est ravi du titre trouvé pour son prochain livre, qui sera encore un roman d'étude : “Il y aura comme ça, un homme et une femme qui auront envie de coucher ensemble, qui coucheront, cela durera un peu, puis ils se sépareront, sans se dégoüter (n'en déplaise à Forain). Joli sujet. pas banal. mais ce sera si bien, n'est-ce pas, d'intituler cela. Tu me plais !”... Les lettres du mois de juillet font état de ses problèmes santé ; ses crises de douleurs sont de plus en plus fréquentes et ses idées se noircissent. Jeudi [4 aoüt]. Il le félicite pour ses Bilitis. “Le Mercure est de plus en plus vide - et ROSNY m'a écrit une lettre si faut aimable que je n'oserai jamais publier, Le Détournement de Mineure ! qui devait orner le numéro d'octobre”. Il va un peu mieux. Jeudi [10 aoüt]. Il est heureux de connattre depuis six mois avec Jeanne “un ciel sentimental sans nuages”. En revanche, il sent qu'il n'est pas du tout guéri, “et ça me navre - la paralysie ma fait peur”. Lundi [septembre]. “Quant aux nouvelles que je puis te donner, moi, elles sont nulles : ma vie est claustrale et lustrale - le travail, la méditation et la prière occupent tous mes instants”. Samedi [23 octobre]. Il lui est difficile de travailler - il est souffrant et supporte mal l'absence de sa petite amie. 11 juillet [1898]. Il espère voir Louys à Jumièges au mois d'aout, pas avant “parce qu'il faut que je finisse mon roman qui n'est pas précisément en avance étant donné que je l'ai recommencé une troisième fois (c'est une manie que j'ai)”. Il recommande la lecture du C&ur solitaire de GUERIN : “Ça c'est des vers comme je les comprends”. Il commente sa “Lecture antique” [Aphrodite ?] : “Toi quand tu te feras inutilement engueuler comme pornographe tu ne pourras pas dire que tu n'as pas fait tout ce qu'il faut pour cela !”. ON JOINT une l.a.s. d'Henri ALBERT à Louys à propos du Centaure, et une l.a.s. de Jean de TINAN à Ernest LA JEUNESSE sur le même sujet ; plus 2 documents.
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