Description
Paris, Flammarion, 1937. In-12, basane brune, important et riche décor en cuir repoussé et peint sur le premier plat et une moitié du second représentant une carte de l'Europe dont les parallèles et méridiens, mosaïqués en fort relief, forment à leurs croisements 31 drapeaux losangés sculptés et peints, dos lisse orné d'un cabochon oblique titré, doublure et gardes de soie ornées de sérigraphies originales symbolisant le Royaume-Uni, la France, l'Allemagne nazie et l'URSS, doubles gardes en papier doré, tête dorée, non rogné, couverture et dos, emboîtage (Anita Conti, 1937).Édition originale, préfacée par Henry Bérenger.
Un des 50 exemplaires de tête sur japon (n°II).
Magistrale reliure parlante d'Anita Conti, ornée d'une saisissante carte d'Europe en cuir sculpté et peint, réalisée à la parution de l'ouvrage pour Jean de Rovéra, son mécène.
Jean de Rovéra, de son vrai nom Jean-Xavier-Antoine Courtiade-Labardac, est né en 1898. Après avoir combattu durant la Première Guerre mondiale, il emprunta le nom d'une parente d'origine italienne dans les années 1930 et se lança dans une carrière de journaliste à Paris. Fait chevalier de la Légion d'honneur, il dirigea plusieurs journaux, dont le quotidien parisien Comœdia et l'hebdomadaire La Tribune des Nations. Il est l'auteur d'un autre ouvrage, La Raison du plus fort, publié en 1934, et d'un film documentaire sur les Jeux Olympiques de 1924. Il mourut à 41 ans en juin 1939. Après la Seconde Guerre mondiale, le Comœdia, suspecté de collaboration, fit l'objet d'une enquête et ne reparut jamais plus. Le journal avait publié plusieurs articles sur Anita Conti.
Cette dernière, née Anita Caracotchian (1899-1997), fut la première femme française océanographe. Elle passa de nombreuses années sur les mers et dénonça, dès 1940, les risques de la pêche industrielle et de la surexploitation des océans. Elle s'installa à Paris après son mariage avec le diplomate Marcel Conti, en 1927, et mena d'abord une carrière de relieuse d'art. Elle fut rapidement remarquée par Pierre Mac Orlan, son premier soutien dans le milieu littéraire parisien. Parallèlement à son travail de relieuse, elle poursuivit ses expéditions en bateau jusqu'en 1939.
C'est à bord du chalutier-morutier Viking en route vers le Spitzberg qu'elle décrit, dans une lettre adressée à son mari le 4 juin 1939, sa dernière rencontre en date avec Jean de Rovéra. Celui-ci fait figure auprès d'elle de mécène et d'admirateur fidèle, puisqu'il lui a commandé plusieurs reliures, une notamment pour le Pèlerin d'Angkor. Il souhaite d'ailleurs organiser « une exposition de toutes ses reliures en novembre 1939 ». Les cinq commandes de reliures et cette exposition ne virent jamais le jour puisque Jean de Rovéra mourut peu après. La « Dame de la mer » décéda quant à elle en 1997, à Brest, après avoir passé sa vie à défendre les océans.
Le volume est conservé dans un emboîtage en demi-chagrin noir à fenêtres transparentes sur les plats signé Lobstein-Laurenchet.
Mors et dos épidermés.
Catherine Reverzy, Anita Conti, 20 000 lieues sous les mers, Odile Jacob, 2006, p. 42 (exemplaire cité) – Anita Conti, Le Carnet Viking, Payot & Rivages, 2018. Sur l'auteur, cf. Le Temps du 11 janvier 1934 et L'Indépendant du 28 juin 1939.