Lot Précédent
Lot n° 1
Sélection Bibliorare

[MANUSCRIT]. [HEURES]. — Livre d’heures (à l’usage de Paris) — En latin, manuscrit enluminé sur parchemin — France, Paris, vers 1460 — Avec 10 grandes miniatures et 1 initiale historiée attribuables à un suiveur de Maître François...

Estimation : 25 000 - 35 000 €
Adjudication : 63 700 €
Description
(François Le Barbier père, « enlumineur et historieur », documenté de 1455 à 1472). — 176 ff., précédés d’un feuillet de parchemin, suivis d’un feuillet réglé de parchemin, manque 3 feuillets dont deux avec miniatures (miniature de la Crucifixion pour les Heures de la Croix, entre les ff. 103-104 ; miniature pour l’Office des morts, entre les ff. 110-111) [collation : i12+1, ii8, iii6, iv8, v8, vi8, vii8, viii8, ix8, x8, xi8, xii8, xiii6 (8-2, manquent v et vi), xiv7 (8-1, manque vi), xv8, xvi8, xvii8, xviii8, xix8, xx8, xxi8, xxii8], réclames, écriture gothique à l’encre brune, 15 lignes par page, réglure à l’encre rouge pâle (justification : 85 x 55 mm), une seconde main copie les derniers feuillets (ff. 175v-176), quelques inscriptions anciennes (fol. 27v), rubriques en rouge, bout-de-lignes or bruni, fonds bleu et rose foncé avec rehauts blancs, nombreuses initiales à l’or bruni sur fond bleu et rose foncé avec rehauts blancs (1- à 2 lignes de hauteur), plus grandes initiales ornées marquant les grandes divisions liturgiques et textuelles, en bleu sur fond d’or bruni avec décor de vigne coloré ou décor floral, une grande initiale historiée, 6 lignes de hauteur, en bleu sur fond d’or bruni (fol. 39v), inscrite dans une bordure enluminée de trois-quarts, avec 10 GRANDES MINIATURES CINTRÉES, inscrites dans des bordures enluminées sur fonds réservés, feuilles d’acanthe colorées, rinceaux et feuilles de vigne dorés, feuillages, fleurs, oiseaux.
Reliure de veau brun, ais de carton (pasteboard cover), plats ornés d’un triple encadrement de filets gras et maigres à froid, large encadrement d’entrelacs dorés agrémentés de rinceaux, au centre des plats deux plaques dorées, l’une au plat supérieur figurant un blason dans lequel se trouvent les instruments de la Passion surmontés d’un cimier et du coq perché sur une colonne, avec l’inscription « Redemptoris mundi arma », et l’autre au plat inférieur représentant saint-Michel terrassant le dragon, dos à cinq nerfs, tranches dorées (Reliure du premier quart du XVIe siècle, sans doute avant 1525).

Dimensions des feuillets : 175 x 118 mm ;
dimensions de la reliure : 183 x 125 mm.

Quelques discrètes restaurations à la reliure. Quelques repeints, notamment à la Nativité (fol. 52) et au Couronnement de la Vierge (fol. 77).

Les grandes miniatures de ces Heures sont attribuables à un artiste proche suiveur de Maître François, enlumineur actif à Paris vers 1460-1480. Son corpus fut regroupé autour d’un exemplaire de la Cité de Dieu, BnF, fr. 18-19, identifié avec un manuscrit décrit comme oeuvre du « pictor Franciscus », dans une lettre datée de 1473 de Robert Gaguin à Charles de Gaucourt, son destinataire. Dans un article récent, Mathieu Deldicque l’identifie à « l’enlumineur et historieur » parisien François Le Barbier père, mentionné dans les sources entre 1455 et 1472 et le distingue de François Le Barbier fils, attesté à partir de 1478 jusqu’à sa mort en 1501 et identifié au Maître de Jacques de Besançon.

Reliure :
Magnifique reliure parisienne, provenant de l’atelier identifié par J. Guignard : « Atelier des reliures de Louis XII » puis renommé « Louis XII-Francis I Bindery » par Needham.

Elle est à rapprocher de celle reproduite dans P. Needham, Twelve Centuries of Bookbindings (New York, 1979), no. 40 : « Gold-tooled binding from the ‘Louis XII-François I’ bindery, 1521-1522 ».

Ces reliures appartiennent à un groupe dont Emile Dacier a recensé quelques treize témoins, puis Jacques Guignard a augmenté ce décompte à trente-cinq reliures connues. Dacier a d’abord cru que cet atelier de reliure était installé à Blois, au service de la cour de Louis XII, puis Guignard place le lieu d’activité de l’atelier plutôt à Paris, ce que défend aussi Nixon. Il a été suggéré que cet atelier appartenait à l’imprimeur Simon Vostre, libraire-juré de l’Université de Paris : « From documentary evidence, we know that he possessed a well-equipped bindery, and the date of his death, 1521, seems to accord well with the apparent cessation of the ‘Louis XII-François I’ shop » (Needham, 1979, p. 137). Il est intéressant de noter que la composition figurant les Instruments de la Passion sur un écu surmonté d’un cimier et du coq et associé à l’inscription « Redemptoris mundi arma » est trouvée sous forme de gravure sur bois dans un certain nombre d’éditions parisiennes associées à la libraire-imprimeur Yolande Bonhomme, veuve de Thielman Kerver, utilisée comme marque typographique en fin de volume (voir par exemple une édition de Ludolphe de Saxe, Vita Christi…, Paris, Veuve Thielman Kerver, 1539 avec ce bois imprimé au verso du dernier feuillet). Cette composition fut aussi utilisée dans des reliures associées au libraire, imprimeur et relieur anglais John Reynes (actif à Londres, 1527-1545) au XVIe siècle : « He is better known as a bookbinder and a number of stamped bindings are in existence which bear his device. They have, as a rule, on one side a stamp containing the emblems of the Passion, and the inscription Redemptoris mundi arma, and on the other a stamp divided into two compartments containing the arms of England ». Faut-il voir dans cet ensemble de reliures d’éditeurs, où la marque d’un libraire qui commercialisait des Heures manuscrites dans la première moitié du XVIe siècle ? L’association à Vostre et cette relation avec la marque de la Veuve Kerver sont certainement à creuser. Soulignons qu’il n’est pas fait mention dans la recension de Needham de la seconde plaque figurant le Saint Michel terrassant le dragon : un examen des 35 reliures recensées par Guignard permettra peut-être d’effectuer des parallèles avec d’autres reliures connues.

Deux reliures de cet atelier sont conservées à la Pierpont Morgan Library : Coustumier de pays de Poictou (1514) ; Pontificale (Lyon, 1511 ; Needham, no. 40). Ce dernier ouvrage fut acquis par Simon Charetier, abbé du couvent cistercien de Jouy-le-Châtel, au sud-est de Paris, et son acquisition date de 1521 : « Clearly Charetier acquired this appropriate text, and had it specially bound, in honor of his new ecclesiastical rank. So far as is presently known, the Charetier Pontifical is the latest in date of the bindings from the Louis XII-Francis I workshop » (Needham, 1979, p. 138). La reliure sur le Pontificale de la Morgan Library contient en sus de la plaque avec Instruments de la Passion et « Redemptoris mundi arma », une seconde plaque avec les armes de France et la salamandre de François Ier.

Voir : Dacier, E. « Les premières reliures françaises à décor doré : l’atelier des reliures Louis XII », in Les trésors des bibliothèques de France, V (1933-1935), pp. 7-40 ; « Une treizième reliure Louis XII », ibid, pp. 186-192. – Guignard, J. « L’atelier des reliures Louis XII (Blois ou Paris ?) et l’atelier de Simon Vostre », in Studia bibliographica in honorem Herman de la Fontaine Verwey (Amsterdam, 1966), pp. 203-239. – Nixon, H. M. PML. Sixteenth-century Gold-Tooled Bookbindings in the Pierpont Morgan Library, New York, 1971.

Provenance :
1. Manuscrit copié pour usage à Paris, comme en témoignent le calendrier, l’usage liturgique des Heures de la Vierge et celui de l’Office des morts. Sur des bases stylistiques, les présentes Heures ont aussi été peintes à Paris par un artiste suiveur de Maître François (François Le Barbier père), important artiste et atelier actif dans les années 1460-1480. Nous ne savons pas pour quel commanditaire ou premier possesseur furent peintes ces Heures, mais très tôt elles ont été dotées d’une reliure à décor doré certainement également parisienne, vers 1520. La reliure du premier quart du XVIe s. est aussi très certainement de facture parisienne.

2. Vignette ex-libris MD contrecollée sur la contregarde supérieure.

Texte :
ff. 1-12, Calendrier en français, encres bleue, rouge et or bruni, à l’usage de Paris, avec sainte Geneviève, (en or, 3 janvier) ; saint Germain, (28 mai) ; saint Cloud (7 septembre) ; saint Denis (9 octobre) ; saint Marcel (3 novembre) ;
f.13, blanc ;
ff. 14-20, Péricopes évangéliques ;
ff. 20-24, Obsecro te, avec désinence masculine « mihi famulo » (fol. 22v) ;
ff. 24-27, O Interamata […]
ff. 28-83, Heures de la Vierge, à l’usage de Paris, avec matines (ff. 28-39v) ; laudes (ff. 39v-51v) ; prime (ff. 52-57v), antienne, Benedicta tu ; capitule, Felix namque ; tierce (ff. 58-62) ; sexte (ff. 62v-66) ; none (ff. 66v-70), antienne, Sicut lilium ; capitule, Per te dei ; vêpres (ff. 70v-77); complies (ff. 77v-83v);
ff. 84-103v, Psaumes de la pénitence et litanies des saints, suivies de prières (manque la fin des prières) ;
ff. 104-106v, Heures de la Croix (manque le début avec lacune de la miniature) ;
ff. 107-110v, Heures du Saint-Esprit ;
ff. 111-159, Office des morts, usage a priori de Paris, mais avec une variante pour le 3e répons (manque le début de l’Office des morts, avec lacune de la miniature) ; on relève les répons suivants : (1) Qui Lazarum ; (2) Credo quod ; (3) Domine quando [pour Paris on a plus communément « Heu michi »] ; (4) Ne recorderis ; (5) Domine quando ; (6) Peccantem me ; (7) Domine secundum ; (8) Memento mei ; (9) Libera me ;
ff. 159-165, Quinze joies de Notre Dame ;
ff. 165-169, Sept requêtes de Notre Seigneur ;
ff. 169-175v, Suffrages aux saints, dont saint Michel ; saint Claude ; saint Christophe ; sainte Catherine ; sainte Barbe ; sainte Apolline ; sainte Avoye (ou Aure, fêtée dans le diocèse de Paris);
ff. 175v-176, Prières, Salve Regina ; Inviolata integra;
f. 176v, feuillet blanc.

Illustration :
Ce manuscrit contient 10 grandes miniatures et 1 initiale historiée.

f. 14, Saint Jean l’Evangéliste à Patmos ;
f. 28, Annonciation ;
f. 39v, Visitation (initiale D historiée) ;
f. 52, Nativité ;
f. 58, Annonce aux bergers ;
f. 62, Adoration des mages ;
f. 66, Présentation au Temple ;
f. 70, Fuite en Egypte ; on notera la présence d’une suivante avec un panier sur la tête, composition adoptée par Maître François (François Le Barbier père), par exemple dans des Heures conservées à New York, Pierpont Morgan Library, MS. M. 73, fol. 59 ; et par son successeur Maître de Jacques de Besançon (François le Barbier fils), par exemple dans des Heures conservées à New York, Pierpont Morgan Library, MS. M. 231, fol. 90;
f. 77, Couronnement de la Vierge ;
f. 84, David en prière ;
Il manque la Crucifixion.
f. 107, Pentecôte.
Il manque la miniature pour l’Office des morts.


Bibliographie :
Avril et N. Reynaud, Les manuscrits à peintures en France 1440-1520, Paris, 1993, pp. 45-52. – Delaunay, Isabelle. Échanges artistiques entre livres d’heures manuscrits et imprimés produits à Paris (vers 1480-1500), Université Paris-Sorbonne (thèse d’histoire de l’art sous la direction de Fabienne Joubert), 2000. – Deldicque, Mathieu. « L’enluminure à Paris à la fin du XVe siècle : Maître François, le Maître de Jacques de Besançon et Jacques de Besançon identifiés ? », Revue de l’art, no 183, 2014, pp. 9-18.
Partager