Lot n° 9
Sélection Bibliorare

CÉLINE (Louis-Ferdinand) — Mort à crédit.

Estimation : 30000 - 40000 €
Adjudication : 93 750 €
Description
Paris, les Éditions Denoël et Steele, 1936. In-8, 697 [dont les 2 premières blanches]-(3 dont les 2 dernières blanches) pp., maroquin rouge, dos à nerfs, coupes filetées, doublures de maroquin rouge en bord à bord, gardes de soie rouge, couvertures et dos conservés, tranches dorées, étui bordé légèrement frotté (Huser).
ÉDITION ORIGINALE, UN DES 22 EXEMPLAIRES HORS COMMERCE NON EXPURGES SUR JAPON IMPERIAL (parmi 47 exemplaires numérotés sur ce papier). Seuls les exemplaires hors commerce de chaque grand papier sont comme ici exempts des caviardages imposés par l'éditeur inquiet des réactions de la censure (Jean-Pierre Dauphin et Pascal Fouché, 36A1).

LE N° IV NOMINATIF DE CELINE.

EXEMPLAIRE ENRICHI de 5 pièces :

– UN MANUSCRIT AUTOGRAPHE DE CELINE, PASSAGE DE MORT A CREDIT présentant de très importantes variantes avec la version imprimée (pages 111 à 116 de cette édition, et pp. 593-595 de l'édition de la Pléiade) :
« J'ai été convalescent longtemps, c'était une [« rougeo » rayé], forte qu'on a dit, j'ai eu des boutons partout. Fallait pas que je sorte. J'ai été longtemps pour en sortit, il paraît, pourtant [...] ma grand-mère elle m'emmenait rue de Bizance à Zanières quand elle allait toucher ses petits loyers des deux pavillons qu'elle avait à sa garde [...] Ça me faisait prendre l'air. Je me souviens que c'était [...] au terme de janvier qu'elle a attrapé du mal. On descendait à la gare, on passait dans l'avenue Faidherbe et puis devant la mairie. On allait doucement parce que j'étais encore faible et près de la grille du parc il y avait le boulodrome aux gâteux. Ça m'intéressait toujours de voir les retraités jouer la partie. Je voulais toujours qu'on reste. Été comme hiver. Ils en finissaient pas de se faire des plaisanteries, les vieillards, tout en tapant dans les quilles. Même moi je comprenais les plaisanteries. Ils s'arrêtaient souvent pour aller faire pipi derrière un arbre. Ils revenaient vite et c'était amusant surtout à cause des mots d'esprit qu'ils arrêtaient pas de faire. Même moi je les comprenais les mots d'esprit. On restait longtemps debout et je me passionnais pour les quilles. Tu vas attraper du mal à rester sans bouger qu'elle me prévenait, mais moi je voulais rester encore. Elle voyait bien que je m'amusais à les entendre alors elle voulait pas me priver. C'était pas si drôle chez nous. Finalement on est parti presque à la nuit mais on était resté longtemps debout immobile en plein air gelé. À son pavillon les gens étaient toujours bien difficiles. Ils voulaient jamais payer. Ils trouvaient toujours un prétexte. En été c'était parce que les cabinets étaient bouchés comme chez nous et puis l'hiver c'est parce que l'eau ne venait pas » (2 ff. in-folio montés en fin de volume).
L'UN DES DEUX SEULS MANUSCRITS CONNUS TEMOIGNANT DES ORIGINES DE MORT A CREDIT : « rares pour les débuts de la rédaction, les documents de genèse dont nous disposons sont au contraire abondants pour son déroulement ultérieur [...]. Les deux fragments de l'état le plus ancien, conservés sur des feuillets reliés dans deux exemplaires du roman sur grand papier, sont trop différents du reste des variantes pour pouvoir être mis sur le même plan [...]. Les deux fragments appartiennent au même mouvement du texte, celui de la mort de grand-mère Caroline, pour lequel nous ne possédons pas d'état intermédiaire » (Henri Godard, dans Céline, Romans, vol. I, pp. 1350-1351, avec à la suite une édition du présent fragment, pp. 1351-1352).

– UNE LETTRE AUTOGRAPHE SIGNEE DE CELINE à un « cher monsieur ». S.l., [23 janvier 1937 d'après une note au crayon d'une autre main]. « Ayant hier l'occasion de voir [...] Denoël je lui parlais de L'EDITION INTEGRALE DE MORT A CREDIT. Il s'y refuse absolument et définitivement. Il redoute les poursuites judiciaires, inévitables d'après lui. Je ne peux à cet égard que vous faire part de sa décision. Mais si la chose vous intéresse très fort, je vous indique qu'un des cinq exemplaires texte intégral japon impérial appartient à mon bon ami Gen Paul qui l'illustre pour son plaisir (les autres sont Denoël, Descaves, Daudet et moi-même) – c'est tout). Gen Paul est un excellent peintre déjà chargé par plusieurs bibliophiles de l'illustration du Voyage. Je sais qu'en ce moment il est fort désireux de réaliser. Mais je crois qu'il maintient ses prix. Je vous indique son adresse. Je ne veux pas lui en parler moi-même. La voici : M. Gen Paul, 2 avenue Junot, Paris 18e. Vous pouvez à tout hasard lui écrire (je vous en aurais parlé entre autres choses). Bien cordialement à vous. LFCéline » (2 pp. in-folio, montée en tête).

– UN MANUSCRIT AUTOGRAPHE DE CELINE, EPIGRAPHE DE MORT A CREDIT (1/2 p. in-folio, rousseurs). Il s'agit du troisième couplet d'une chanson de détenus, recueillie par l'abbé Abraham Sébastien Crozes, aumônier de la Grande-Roquette dans les années 1860-1870, et citée dans un livre que Céline connaissait bien, La Vie étrange de l'argot, d'Émile Chautard (Denoël, 1931).
« Habillez-vous ! un pantalon
Souvent trop court, parfois trop long
Puis veste ronde...
Gilet, chemise et lourd béret
Chaussures qui sur mer feraient
Le tour du monde...Chanson de prison »
Le présent manuscrit a été reproduit dans l'Album Céline (p. 134, n° 225).

– Deux index, l'un manuscrit, l'autre dactylographié, des passages du présent volume qui sont absents dans les exemplaires caviardés.
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