Lot n° 190

STENDHAL (1783-1842). L.A., [Paris 20 juin 1804], à sa soeur Pauline BEYLE à Grenoble ; 8 pages …

Estimation : 4 000 - 5 000 EUR
Adjudication : 3 954 €
Description
STENDHAL (1783-1842). L.A., [Paris 20 juin 1804], à sa soeur Pauline BEYLE à Grenoble ; 8 pages in-4 avec adresse (petite déchirure par bris du cachet, réparée, avec infime manque de texte ; trace d'onglet).
Très belle et longue lettre à sa soeur adorée de conseils sur l'amour, et sur le rire, avec un grand développement sur la connaissance de l'homme.
«Ma chère petite, il y a bien longtems que je ne t'ai écrit. [...] es-tu toujours ennuiée.
Tu n'aurais pas, à coup sûr cet ennui si tu connoissais un peu plus le monde. Ma bonne
Pauline lorsque sans nous perdre nous ne pouvons pas changer de position, il faut rester où nous sommes, et une fois que nous nous sommes bien convaincus qu'il y faut rester chercher à nous la rendre le plus suportable possible, à nous y amuser même. Le Sacrifice n'est pas si grand que tu le penses. Toute position a ses peines.
Tu désires, sans doute, d'être à Paris avec ta famille lancée dans le monde. Mais ici il n'y a point de famille. Une mère, un père, ne sont point gênans pour leurs enfans, mais aussi ils ne les aiment point. Tout est de convention. [...] Dans l'alternative d'être genée par ceux qui nous aiment, ou de n'être point aimé du tout j'aimerais encor mieux l'amour. La perfection sans doute est entre deux mais elle est bien rare, où la trouver ? Il faudrait des gens parfaitement raisonnables et combien y en a-t-il ?
J'espère que tu travailles un peu et que cela t'aura distraite, à moins que ton ennui ne vienne de quelque passion secrète». Il promet le «plus profond secret», s'il s'agit d'un des jeunes gens de Grenoble... «Dans tous les cas n'oublie jamais que mon père a excité l'envie et qu'on nous traitera plus sévèrement que d'autres. Surtout ayant le malheur d'avoir excité la jalousie de mon oncle [Romain
Gagnon] qui serait cru comme étant de la famille». Et il rapporte une discussion avec
André Mallein, et l'attitude de ce dernier à l'égard de Pauline : «Tu avais ce soir là sur la tête un voile comme ce joli mezzaro des Génoises qui donne un air doucement affligé à la tête, tu l'étais peut-être un peu, de manière qu'il se fit la plus douce image de toi. Je vis que cette image l'avait frappé. Ta tournure exprimait à ses yeux le plus doux caractère d'une femme, cette tendre affliction, cette douce simpathie qui fait qu'on se dit (confusément) elle partagera mes chagrins, elle est bonne, simple. Il n'en faut pas tant pour faire naître l'amour il ne cessait de parler de ta douce tournure. Je ne voudrais pas cependant qu'il te rendît tendre. Il ne faut pas pour ton bonheur que tu épouses un homme dont tu serais amoureuse. En voici la raison. Tout amour finit, quelque violent qu'il ait été, et le plus violent plus promptement que les autres. Après l'amour vient le dégoût rien de plus naturel Alors on se fuit pour quelque tems. Voilà qui va bien, mais [si] l'on est marié ? on est obligé d'être ensemble, on est [surpris] de ne plus trouver que l'ennui dans mille petites choses qui faisaient le bonheur. Un jeune homme de ma connaissance aimait une jeune Dlle e era riamato, dans les petits jeux cette Dlle avait coutume de lui voler son mouchoir, c'était charmant, elle l'a fait il y a quelques jours le jeune hom. a trouvé cela du dernier bête, ils ne se verront pas d'un an et alors ils seront amis, ils se souviendront avec plaisir du tems où ils s'aimaient. Si au contraire ils habitaient ensemble ils se seraient revus à chaque heure du jour. La vanité de la femme eut été blessée, l'homme ennuyé et ils se seraient détestés à la mort toute leur vie. Au lieu que se mariant par raison on n'est jamais irrité, parce qu'on trouve à peu près ce sur quoi on comptait. Il y a une fausse raison proffessée par tous les sots du monde, qui s'en servent pour blâmer les gens d'esprit ; mais il y en a une véritable qu'il faut connaître parce qu'elle fait le bonheur de la vie. En général tout mal vient d'ignorer la vérité.
Toute tristesse, tout chagrin d'avoir attendu des hommes ce qu'ils ne sont pas en état de vous donner. Penses à ça ma chère Pauline et écris moi souvent comme tu penses au hazard. [...] Je crois avoir découvert que toutes vos passions, Mesdames les femmes, se réduisent à la vanité, je veux pousser cette opinion et si je la trouve vraie, vous ne me ferez plus faire de folies».
Puis il ajoute à sa lettre une dissertation intitulée Connaissance de l'homme. «Il faut tâcher de rendre raisonnable, c'est-àdire être toujours prête à céder quand les événemens que tu verras, ou dont tu seras certaine te prouveront que tu as tort. Voilà ce qui distingue les femmes d'esprit des Caillettes, qui ne font que répéter quelques petites bêtises accrochées au hazard des hommes de leur société. Ces femmes sont indécrotables. Une femme raisonnable au contraire en 8 jours peut parvenir du plus mauvais ton au meilleur». Il veut copier pour Pauline quelques observations en recommandant : «Ne comunique pas ces observations. Je ne veux pas avoir le renom d'en faire parce qu'alors on s
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