Lot n° 28

Marcel PROUST — L.A.S., [26 ou 27 mai 1905], à Robert de MONTESQUIOU ; 6 pages in-8 (papier deuil, petit cachet de R. de Montesquiou ; pli central fendu, petits accrocs marginaux).

Estimation : 2000 - 2500 €
Adjudication : 7 500 €
Description
Organisation d’une soirée chez Proust en l’honneur de Robert de Montesquiou ; avec un post-scriptum inédit.
[Cette soirée chez Proust aura lieu le 2 juin ; Robert de Montesquiou y lira un portrait satirique de Mme Aubernon (1824-1899), chapitre à paraître de ses Professionnelles Beautés. Il s’agit ici des personnes à inviter.]
Proust va envoyer les invitations souhaitées par Montesquiou. « Mais pour Ochoa [le peintre Raphael de Ochoa y Madrazo] cependant j’ai envie de surseoir, car il implique presque forcément Coco Madrazo que personnellement je serais ravi d’avoir et Reynaldo, et je me suis tenu scrupuleusement aux noms que vous m’aviez dits, prévenant les amis qui souvent viennent me voir vers onze heures du soir les jours où je ne souffre pas trop, qu’ils ne seraient pas reçus ce soir-là ». Proust a pensé à d’autres noms, certains inconnus de Montesquiou : « mon amie (très intelligente) Made Yeatman, un diplomate de mes amis (très intelligent) M. de Billy, Madame Jeanniot (très Aubernon), M. Henry Bordeaux, André Rivoire, les Helleu, M. Robert Dreyfus auteur d’un ouvrage sur Gobineau, Marcel Mielvaque, Lobre, Nolhac. Mais je n’ai rien fait et ne ferai rien sauf ordre. J’avais pensé aussi à bien d’autres ». Il aimerait faire le geste d’inviter Émile Straus, qui ne pourra probablement pas venir, « pour lui montrer que l’absence de sa femme ne le fait pas oublier. Elle-même y serait sensible et d’ailleurs il est fort agréable. “Tout intime” [Francis de Croisset] est je vous assure un très gentil garçon […] Vous ne m’avez parlé- d’aucun Caillavet-Flers. Chez les premiers du moins vous savez que les relations avec Madame Aubernon avaient pris quelque chose d’épique et sans doute ils seraient d’excellents auditeurs. J’ai les acceptations des Pozzi, de Mme Baignères et-de Flament ». Il aimerait savoir si ces propositions agréent à Montesquiou, et indique qu’il est « beaucoup plus souffrant depuis quelques jours », et qu’il garde le lit depuis huit jours.
Suit un post-scriptum inédit : « Aux noms que je m’excuse d’avoir tant barbouillés j’ajouterai volontiers (ce sont de simples vœux sans conséquence que vous repousserez naturellement si vous ne les trouvez point sages) celui d’un poète de talent, secrétaire du Petit Parisien, M. Jean Vignaud. – Gregh est très intelligent, vous plairait-il ? Tout ce que je cherche, c’est non pas à faire une réunion mondaine mais à assembler des oreilles conduisant à des cerveaux et à des cœurs, non pas de ces oreilles dont Corneille traduisant les Psaumes a dit si comiquement : “Les oreilles chez eux sont d’un si faible usage, que l’air pour les frapper vient inutilement” et comme on dit plus simplement des oreilles qu’on a pour ne pas entendre. Pour Madame Cahen ne la croyez pas moins fervente et moins charmante. La malheureuse femme a depuis deux ans perdu tous les siens et passé sa vie au loin à soigner des mourants, de sorte qu’elle a avec ceux qu’elle admire ou qu’elle aime le plus les apparences d’un cœur chargé ».
Correspondance (Ph. Kolb), t. V, p. 175.
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