Lot n° 34
Sélection Bibliorare

Marcel PROUST — Placard d’épreuve, avec corrections et additions autographes, pour Du côté de chez Swann, 1913 ; 37 x 56 cm (doublé au dos de papier japon ; plis renforcés, restaurations ; manque à un coin).

Estimation : 15000 - 20000 €
Adjudication : 110 000 €
Description
Spectaculaire placard des premières épreuves pour Du côté de chez Swann, surchargé de corrections et d’additions, comprenant la fin de la deuxième partie (Un amour de Swann) et tout le début de la troisième partie (Noms de pays : le nom).
Placard 53 portant le titre Intermittences (abrégé du titre provisoire des Intermittences du cœur), et le timbre de l’imprimerie Colin à Mayenne à la date du 15 mai 1913.
Ce placard, qui se rattache aux premières épreuves de l’édition originale de Du côté de chez Swann chez Bernard Grasset (1913), correspond aux pages 374 à 381 du tome I de la Pléiade Tadié, depuis « d’une des vagues de la mer qui s’éloignait », jusqu’à « ce train d’une heure vingt-deux dans lequel », soit les toutes dernières pages d’Un amour de Swann, et un bon morceau du début de Noms de pays.
Le placard présente de nombreuses corrections et additions marginales, et une dizaine d’additions plus développées.
Ainsi, lorsque Swann décide de partir pour Combray, une longue addition commence dans la marge supérieure du placard et se prolonge entre les deux colonnes : « Comme les différents hasards qui nous mettent en présence de certaines personnes [peuvent se produire] ne coïncident pas avec le temps où nous les aimons, mais débordant ce temps, peuvent se produire avant qu’il commence et se répéter après, les premières apparitions que fait dans notre vie un être [encore indifférent et que nous] destiné plus tard à nous plaire, prennent rétrospectivement à nos yeux une valeur d’avertissement, de présage. C’est de cette façon que Swann s’était souvent reporté à l’image d’Odette rencontrée au théâtre, ce premier soir où il ne songeait pas à la revoir jamais – et qu’il se rappelait maintenant la soirée de Madame de St Euverte où il avait présenté [Madame] le général de Froberville à Madame de Cambremer. Les intérêts de notre vie sont si multiples qu’il n’est pas rare que dans une seule circonstance les jalons d’un bonheur qui n’existe pas encore soient posés à côté de l’aggravation d’un chagrin dont nous souffrons. Et sans doute cela aurait pu arriver à Swann ailleurs que chez Me de St Euverte. Qui sait même si ce soir-là il était ailleurs, si d’autres bonheurs, d’autres chagrins ne lui seraient pas arrivés, [mais on ne les connaissait pas] et qui ensuite lui eussent paru inévitables. [Mais ils n’avaient pas eu lieu, aussi croyait-il] » ; n’ayant plus de place, Proust poursuit cette addition dans la marge inférieure, en l’appelant par une indication au crayon bleu : « Mais ce qui [lui paraissait] lui semblait l’avoir été, c’était ce qui était arrivé, et il n’était pas loin de voir quelque chose de providentiel dans ce fait qu’il se fût décidé ce soir-là à aller chez Me de St Euverte parce que son esprit désireux d’admirer la richesse d’invention de la vie et incapable de se poser longtemps une question difficile, comme de savoir ce qui eût été le plus à souhaiter, [regardait] considérait dans les souffrances qu’il avait éprouvées ce soir-là et les plaisirs insoupçonnés qui portaient déjà, [une sorte d’enchaînement] entre lesquels la balance était trop difficile à établir, une sorte d’enchaînement nécessaire ».
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