Lot n° 37

Marcel PROUST — L.A.S., 102 Bd Haussmann [20 décembre 1914], à André BÉNAC ; 4 pages in-8.

Estimation : 1500 - 2000 €
Adjudication : 3 750 €
Description
Très belle et émouvante lettre inédite, à l’annonce de la mort au front de Jean Bénac.
[Agent de liaison affecté au service de l’administration de l’Alsace, où il se souciait particulièrement des orphelins, le sergent Jean Bénac (1891-1914) fut grièvement blessé par un éclat d’obus à Thann, le 14 décembre 1914 ; quatre de ses camarades, dont Max Barthou (fils de Louis), furent tués sur le coup ; Jean Bénac décédera dans la nuit du 15 décembre. L’annonce du décès a paru dans Le Figaro du 20 décembre.]
« Cher Monsieur et ami Je souffre tellement de votre douleur que j’ose à peine la troubler de mes paroles. Depuis le début de la guerre, votre fils était, vous le saviez, l’un des points fixes, des points noirs de mes préoccupations. Il était une des raisons de l’anxiété avec laquelle j’en attendais la fin. Hélas le malheur auquel je n’osais pas penser s’est abattu sur Madame Bénac et sur vous, sur deux des personnes qui étaient les plus chers à mes parents et me le sont restées le plus à moi-même. Et c’est du fond du cœur que je pleure avec vous. Je sais tout ce qu’une mort si glorieuse à d’enorgueillissant. Mais je sais aussi que le désespoir, l’incurable regret ne seront pas consolés par une si juste fierté. Hier soir Madame Thomson se rendant bien compte du coup que ce serait pour moi avait téléphoné en priant qu’on m’en avertisse progressivement avant que je le lise dans le journal. La délicatesse de sa précaution m’a bien touché. Que d’heures d’irréparable bonheur, je n’ose penser à ce déchirement de toute votre vie. À vous encore j’ai osé écrire, à Madame Bénac je ne l’oserais pas. Mais dites-lui que ma pensée ne s’éloigne pas un instant de ses souffrances et que mon cœur est bien près du sien »…
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