Lot n° 45
Sélection Bibliorare

GAUGUIN Paul (1848 - 1903) L.A.S. «P. Gauguin», [Tahiti 8 décembre 1892], à Georges-Daniel de …

Estimation : 10 000 - 15 000 EUR
Adjudication : 11 050 €
Description
GAUGUIN Paul (1848 - 1903) L.A.S. «P. Gauguin», [Tahiti 8 décembre 1892], à Georges-Daniel de MONFREID ; 2 pages in-4 à l'encre violette sur papier pelure (encre parfois pâle ; petit accident à un coin sans toucher le texte). Intéressante lettre sur ses peintures de Tahiti. Il se plaint de ne pas recevoir de lettres. «Je suis en ce moment dans les transes et après une bonne nouvelle. Figurez-vous que le mois dernier j'avais reçu d'ici avis que je pouvais partir quand je voudrais, mais que le coût du voyage serait imputé à la métropole, les fonds étant insuffisants dans la colonie. Me voilà rassuré, je décide mon départ pour le mois de janvier et en attendant je me mets au travail ; je ponds quatre bonnes toiles. Je vais ce mois-ci à Papeete, je cause avec le gouverneur : il me dit - Vous ne pouvez partir, attendu que le ministre ne nous donne pas un ordre formel, il nous prie seulement d'examiner si nous pouvons vous donner un passage gratuit. Nos finances ne nous permettent pas cette dépense. Me voilà donc à courir la bordée à nouveau avec 150 en poche, ce qui reste. Et en cas d'une réponse favorable, je ne l'aurai pas avant la fin d'avril. Je suis dans tous mes états et je broie du noir». Il joint un mot à transmettre à Sérurier. «En même temps que ma lettre, vous allez recevoir je pense un paquet de toiles», par un officier. «Je redoute pour ces toiles le voyage et peut-être il y aura quelques réparations à faire. Vous les laverez avec soin et beaucoup de précautions pour ne pas enlever la peinture et la préparation et vous cirerez. Vous les ferez voir aux amis et vous écrirez à ma femme pour savoir à quelle époque il faut les lui envoyer pour l'exposition Danoise ; vous y joindriez Vahine no te tiare. Vous lui demanderez si l'exposition paye l'envoi, auquel cas vous les lui enverriez montées sur chassis à clef. Sinon un rouleau et lui enverriez avant les mesures exactes pour qu'elle fasse faire les cadres». Il fait la liste de ces tableaux : «Parau Parau - Conversations, ou les Potins. Eaha oe feii. - Quoi ? tu es jalouse. Manaö tupapao. - Pense au revenant, ou l'esprit des morts veille. Parahi te maraè - Là réside le Maraè (temple des prières et des sacrifices humains)». Il charge Monfreid d'ajouter les titres suivants aux tableaux qui n'en ont pas : La femme en chemise - Te Faaturuma. Le paysage grand arbre - Te raau rahi. La maison avec le cheval - Te fare maori. Les deux femmes et un chien - I raro te oviri». Il ajoute : «J'ai fait pour cette exposition un choix pour contenter tous les goûts. Des figures, du paysage, du nu. Pourvu que cela arrive en bon état». Et il donne des instructions pour «bien tendre les toiles [...] Vous mouillez légèrement la toile derrière et vous tendez. Mettez les clous aux mêmes trous sinon cela fait des bridures». Et il donne l'adresse de sa femme à Copenhague, puis parle des prix : «Si par hasard extraordinaire on se précipitait pour acheter je ne veux pas lâcher à moins de 600 f : selon l'importance de la toile vous faites les prix, 600, 700, 800 etc... Quant à celui Manaö tupapaü, celui-là je désire le garder pour plus tard. Ou bien 2000 f. Quand je serai arrivé, je verrai. [...] Ce tableau est pour moi (Excellent). La genèse, la voici, (pour vous seulement). Harmonie générale. Sombre triste violet bleu triste et chrôme 2. Les linges sont chrôme 1 parceque cette couleur suggère la nuit sans toutefois l'expliquer et de plus sert de passage entre le jaune orangé et le vert ce qui complète l'accord musical. Ces fleurs sont en même temps comme des phosphorescences dans la nuit (dans sa pensée). Les Canaques croient que les étincelles de phosphore qu'ils voient la nuit sont l'esprit des morts. -Et puis pour finir, c'est un beau morceau de peinture quoiqu'il ne soit pas fait d'après nature». Lettres de Paul Gauguin à Georges-Daniel de Monfreid (1919), VII.
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