Lot n° 193
Sélection Bibliorare

Camille SAINT-SAËNS (1835-1921). 14 L.A.S. avec musique et dessin, 1920-1921, à François Gaillard ; 22 pages in-4, une à en-tête d’hôtel, une sur papier musique (quelques défauts et réparations à l’adhésif).{CR}Belle correspondance à...

Estimation : 4000 - 5000
Adjudication : 5 200 €
Description
son ami flûtiste, pour qui il compose son Odelette, dont il lui soumet quelques extraits.{CR}[C’est à Alger que Saint-Saëns a rencontré François Gaillard, flûtiste belge et chef d’orchestre ; Gaillard quitta ensuite Alger pour le Théâtre royal de Liège et le Théâtre des Arts de Rouen.]{CR}Hamma-R’Irha 26 février 1920. Il a commencé ses bains ; cela lui a fait mal. « Mais – à quelque chose malheur est bon – ne pouvant me promener, je travaillerai, et alors »… Dessin à la plume d’une coupe de fleurs et fruits vers laquelle volent des papillons… « Je médite d’écrire à votre intention un petit morceau pour flûte avec acc[ompagnemen]t d’orchestre… En viendrai-je à bout ? That is the question ». Et il ajoute : « J’ai fait des papillons pour dissimuler de petites taches qui étaient sur le papier »… – 1er mars. Musique : 5 citations pour flûte d’une quinzaine de mesures en tout sur 7 portées. « Avant de passer de la préparation à l’exécution je vous soumets ces quelques passages pour que vous me disiez si vous les approuvez ou si vous désirez y faire des changements. Je recommande surtout le dernier trait à votre attention » [il s’agit de l’Odelette pour flûte et orchestre op.162]. – 5 mars. « J’ai toujours pensé que pour l’articulation votre collaboration serait nécessaire. Bien des choses d’ailleurs seront peut-être modifiées d’après vos conseils qui seuls pourront conduire l’œuvre au point voulu. Je ne dis pas à la perfection, celle-ci n’étant pas de ce monde » Il a cessé les bains qui ne lui réussissaient pas, mais reste encore « pour jouir du bon air, du silence et travailler en paix »… – 12 août. Il revient de Dieppe. « J’ai corrigé il y a quelque temps déjà des épreuves de l’Odelette ; je ne sais si elle est encore parue. Doit-on vous l’envoyer à Verviers ? »… – Paris 23 août. « Au moment où on allait imprimer votre morceau et vous l’envoyer, voilà les imprimeurs qui se mettent en grève ! On les avait déjà augmentés l’an dernier, puis au mois de mars dernier. Ils demandent 4 F 6 par heure d’augmentation. Avec ce système-là, toutes les affaires deviennent impossibles. Dès que le morceau sera terminé on vous l’enverra ». Il se réjouit de la nomination de Gaillard à Rouen : « Peut-être grâce à votre influence le Théâtre de Rouen me redeviendra-t-il favorable. Je me souviens d’y avoir vu Étienne Marcel avec un grand succès. On avait bissé le final du 1er acte est celui du 3me. Cet ouvrage commençait à prendre de tous les côtés et puis le mouvement s’est arrêté, je ne sais pourquoi. Alors, si l’on n’est pas au répertoire, les théâtres n’ont pas les décors, les artistes n’ont pas les costumes, et l’on ne vous joue pas. Et de huit ouvrages que j’ai faits on n’en joue qu’un, Samson, dont personne ne voulait à l’origine. Un seul, ce n’est vraiment pas assez. Si j’avais 25 ans, je pourrais espérer en l’avenir ; mais je vais bientôt en avoir 85 ! »… – 13 septembre. « Quand vous serez à Rouen, je vous enverrai une partition d’Étienne Marcel avec de grandes coupures qui permettent de supprimer le rôle inutile de la mère et facilitent beaucoup la représentation de l’ouvrage. Je ne puis m’habituer à voir abandonner une œuvre qui a eu à Rouen un si grand succès, qui à sa première apparition à Lyon avait eu 40 représentations consécutives. On ne le joue plus nulle part, mais on joue partout Cavalleria Rusticana… Je suis bien content que l’Odelette vous soit agréable »… – 14 septembre. Durand va envoyer la partition corrigée d’Étienne Marcel. « Je me souviens qu’à ce même Rouen, comme on m’avait demandé sur la scène après le 3me acte (que j’appelle maintenant le 4e) on m’a mis sur les bras un vase en argent rempli de fleurs et que j’étais fort embarrassé dans cette posture ! Dans ce temps-là on avait – je ne sais pourquoi – peur des 5 actes ; on avait fait deux tableaux du même acte ce qui doit être en réalité deux actes différents, le changement de décor nécessitant un entracte »… – 6 octobre. « Quant à l’Odelette, il ne faudra jamais l’exécuter autrement qu’avec orchestre ; elle perdrait tout son effet avec piano. […] Tous les flûtistes veulent jouer l’Odelette ! C’est un succès que je vous dois, car certainement sans vous je ne l’aurais jamais écrite »… – 11 novembre. Il va donner à M. Masselot « de petites indications pour Phryné. Entre autres, je le prie de veiller à ce que les chanteurs ne ralentissent pas lorsque ce n’est pas indiqué, ce qu’ils ont souvent la mauvaise habitude de faire lorsque l’orchestre les laisse seuls. C’est à vous surtout qu’il convient d’y veiller. Cette mauvaise habitude rend la musique ennuyeuse en détruisant le rythme, élément essentiel de la musique. Et c’est pour faire plus d’effet ! Mme Patti, qui allait toujours en mesure, en faisait cependant assez, à ce qu’il me semble. Il est probable que vous ne l’avez pas entendue. Elle exécutait rigoureusement en mesure les traits de Faust et de Rigoletto [citations musicales]. C’était ravissant. Je ne les ai pas entendus ainsi depuis elle ». Il va partir à Bordeaux pour Les Barbares puis à Béziers, « et enfin à Alger où le soleil m’attend »… – Marseille 5 décembre. À Bordeaux on a donné Les Barbares et Javotte, à Béziers sa cantate La Lyre et la Harpe. « À Bordeaux il y a un orchestre merveilleux ; à Béziers il y a des chœurs excellents mais l’orchestre est très médiocre et c’est moi qui l’ai remplacé sur un piano ; j’ai joué aussi ma Rhapsodie d’Auvergne. […] Mais tout cela ne m’empêche pas de penser à Rouen où l’on prépare Phryné que j’aime tant et qui devrait, il me semble, être plus connue qu’elle ne l’est, car je ne crois pas avoir fait rien de mieux que le 2e acte. Et Étienne Marcel y pense-t-on ? » Il sera à Alger dimanche à l’Hôtel de l’Oasis…{CR}Béziers 20 août 1921. Il regrette que la maison Durand « aime mieux louer sa musique que de la prêter », mais il n’y peut rien. Lise Charny de l’Opéra chante beaucoup et merveilleusement La Fiancée du Timbalier… Le Mont-Dore a dû bien changer depuis qu’il y est allé il y a soixante ans pour soigner sa gorge. « Je serai de retour à Paris tout à fait à la fin du mois. Demain a lieu ici la représentation d’Antigone avec mes chœurs ; ensuite je dois aller passer quelques jours à la campagne et m’arrêter encore à Toulouse et à Poitiers avant de rentrer chez moi »… – Paris 17 novembre. « C’est sans doute par économie que le directeur actuel [à Rouen] qui n’est pas musicien a fait cette révolution orchestrale. Certes, mieux vaut ne pas être exécuté du tout que de l’être dans de pareilles conditions. Où est le temps où le Théâtre de Rouen montait si bien mon Étienne Marcel ! Maintenant ils parlent de Tannhäuser et de Lohengrin. Les Allemands nous ont fait tant de bien, il est juste que leur compositeur national prenne chez nous la place des nôtres ! […] Je viens d’avoir à l’Opéra une magnifique résurrection d’Ascanio qui a fait grand effet. Mais tiendra-t-il l’affiche, je ne sais car on annonce déjà l’apparition d’autres ouvrages. Je ne sais comment vit l’Opéra qui a maintenant 30.000 F de frais par représentation. Samson a fait dernièrement 36.000, mais le plus souvent le théâtre se trouve en déficit avec des recettes qui autrefois passaient pour très belles. Selon toute vraisemblance, Samson y atteindra l’année prochaine sa 500e représentation »… Il va bientôt s’embarquer pour Alger : « Il paraît que dans quelque temps, par la voie des airs, on pourra aller directement, sans arrêt, de Paris à Alger en 7 ou 8 heures ! » [Saint-Saëns mourra à Alger un mois plus tard, le 16 décembre.]{CR}On joint une L.A.S., Paris 21 avril 1920, à Mme Gaillard (3 pages in-8) ; il sera heureux de recevoir les Gaillard, avant son départ pour Athènes. « Mon éditeur a été enchanté du morceau pour flûte [l’Odelette op.162] qui est à la gravure »…
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