Lot n° 196

André GIDE. L.S., avec 2 corrections autographes, Paris 4 septembre 1929, à Eugène Dabit ; 3 pages in-4 dactyl. — Belle et longue lettre à Dabit.

Estimation : 200 - 300
Adjudication : 585 €
Description
Ses rhumatismes l’empêchent de tenir la plume, ce qui explique cette lettre dactylographiée. Il se réjouit de renouer avec Dabit, ayant « beaucoup souffert de ce croquemitaine que votre imagination trop sensible s’était ingéniée à dresser entre nous […] Et je n’osais vous récrire, craignant par quelque nouvelle imprudence d’aggraver votre alarme… Et je mesurais la profondeur de mon affection pour vous, déjà vieille, au chagrin que je ressentais d’avoir perdu la vôtre. […] Notre amitié, d’ordre tout mystique, exige un ciel tout pur ». Gide peine à croire que sa parole « si maladroite, si insuffisante, dont je suis si peu maître dans la conversation, et qui si souvent trahit mes sentiments et ma pensée, que cette parole puisse être d’un réconfort plus grand que mes livres où je tâche de projeter ce que je sens en moi de plus important, de meilleur ». Il n’a pas la même conception du talent : il partage « votre horreur du talent factice, postiche et surajouté ; de la parure, du fard, du masque, fût-il d’or ou de pierreries », et il « repousse de plus en plus tout faire-valoir inutile, toute virtuosité », et tend « à une expression toujours plus pure, plus simple et plus dénuée d’artifices de mes sentiments et de ma pensée ». Cela exige un talent supérieur et une simplicité qui reflète « des vertus profondes, parentes de celles que nous enseigne l’Évangile. Mais fussent-ils au demeurant de parfaits catholiques (ou du moins de prétendus tels), l’orgueil de certains de nos écrivains les plus fêtés, les plus applaudis, me consterne et m’écoeure… ; même dans Chateaubriand ou dans Claudel, je ne puis pas le supporter. Quant à Barrès… non, cela nous entrainerait trop loin »…
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