Lot n° 5

Hector BERLIOZ (1803-1869). — L.A.S., Paris 6 décembre [1855], à Théodore RITTER ; 4 pages in-8 (légères fentes aux plis).

Estimation : 1800 - 2000
Adjudication : 2 000 €
Description
Importante lettre au sujet des réductions pour piano de ses œuvres.

[Le pianiste Théodore Ritter (1840-1886) a réalisé les réductions pour piano de La Damnation de Faust, L’Enfance du Christ et Roméo et Juliette.]

« Je suis furieux contre vous, mais furieux ! figurez vous qu’en parcourant l’Adagio de Romeo que vous avez réduit à la misère du Piano, j’y ai découvert quatre abominables fautes, grâce auxquelles on peut et on doit m’attribuer de stupides harmonies !... Page 5 — 4me et 5me mesures, vous avez eu l’idée ingénieuse de mettre quatre fois ré # à la main droite ! ! ! ! ! et il faut quatre fois ré naturel. Où diable avez-vous pris cette invention ? »... Et il donne la citation musicale des cors en ré… « Peut-être que dans la musique de l’avenir cette note-là fera ré #, à cause de la tendance ascendante de l’art. Mais à cette heure, de par tous les cinq cents mille diables !... non, je ne veux pas jurer, je ne jurerai pas ; mais, tonnerre de Dieu ! peut-on ainsi trahir ses amis ? »... Il est allé chez Brandus corriger les exemplaires restants, « et faire corriger les planches. La peste soit des arrangeurs, l’un m’attribue une bêtise, l’autre une autre ! et vous, dans cette même page, m’aviez déjà attribué trois quintes diatoniques de suite à la main gauche ; les # de la main droite y ont été mis sans doute pour faire compensation ».
Il indique avoir procédé au paiement « des chœurs et de l’orchestre » [pour ses concerts du Palais de l’Industrie avec sa cantate L’Impériale] : « Ils ont amené des scènes de tumulte incroyables et de la dernière indécence. Il a fallu recourir ce matin à l’autorité de cinq sergents de ville pour maintenir l’ordre. [Suivent 5 lignes soigneusement biffées.] Enfin nous voilà dehors de ce guêpier ; Rocquemont est furieux, […] et M. Momigny, le caissier de M. Ber, s’étonne de trouver de pareilles gens parmi les artistes. Moi qui sais qu’il y a de malhonnêtes gens partout et que les artistes sont excessivement rares, je ne m’étonne presque pas ».
Il s’inquiète avec humour de n’avoir aucune nouvelle du concert de Nancy : « Paris entier, à cette heure, grouille d’attente et d’anxiété. Je ne vous dirai pas le nombre des gens qui s’abordent dans les rues, depuis la place Bréda jusqu’au jardin des Plantes, […] le Télégraphe électrique est muet.... l’Empereur n’en dort pas »…
Il ajoute : « Ha ! et dans le morceau de Faust où vous avez oublié de marquer le mouvement au début de la Valse ! »...

Il ajoute un P.S. en tête de la lettre, pour recommander à Ritter de ne pas aller voir Marschner, « et d’accabler d’amitiés, au contraire, Joachim s’il est à Hanovre, et le jeune Müller (le fils de Charles) qui fait partie de la Chapelle Royale, et Mr Rose le 1er Hautbois qui joue du cor anglais comme un archange »...

Correspondance générale, t. V, n° 2059.
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