Lot n° 272

DIAGHILEV Serge de (1872-1929). L.A.S. « SD », Varsovie Mercredi [1926 ?], à Serge LIFAR ; 4 pages in-8 à en-tête du Polonia Palace Hotel, Warzawa (cachet encre de Lifar) ; en russe. Longue lettre de son séjour à Varsovie. Le...

Estimation : 3000 - 4000
Adjudication : 9 700 €
Description
paysage avant Varsovie : des lisières de forêts, des paysannes en fichus, qui rappellent la bonne vieille Russie, mais Varsovie elle-même est une petite ville allemande pas mal du tout mais où il fait trop froid dans la rue et pas chaud à l’intérieur. Il a failli attraper un gros rhume. Sa tumeur à l’aisselle n’était qu’un furoncle indolore. Il ira ce soir au Grand Théâtre où on donne l’opéra Casanova [de Ludomir Rozycki] dans lequel danse une troupe féminine. Les spectacles qui valent la peine n’auront lieu que samedi : le nouvel opéra-ballet La Sirène et, dimanche, Giselle. Il a déjà vu beaucoup de monde, dont 3 danseuses et 3 danseurs. NIJINSKAÏA a déjà engagé quatre hommes dans le corps de ballet, mais, à ce qu’on dit, pas des meilleurs. Drobetsky et Novak l’aident bien. Il vu Petrova qui vient tout juste de rentrer de tournée à travers la province polonaise. Maintenant qu’on sait qu’il est là, toute la fourmilière est en ébullition. Dans les petits théâtres, tout est habilement et prestement monté et il s’y trouve d’excellents artistes, pas dans notre genre, bien que la plupart soient russes. Côté livres, rien à signaler – il y a une foule de bouquinistes mais personne ne fait commerce de livres russes… À Varsovie, tout le monde danse. Il y a des écoles de danse à tous les coins de rue ainsi que des écoles privées où l’on enseigne la « plastique et l’acrobatie », pour faire « moderne » ! Le rêve du Grand Théâtre est d’enfin attirer le grand maître de ballet Tchaplinsky, chorégraphe en chef de l’Opéra royal de Stockholm ! Il n’a pas encore vu de véritables danseuses, mais on l’a prévenu qu’on n’aime que les femmes malades comme Petrova, maigrelette et incroyablement laide ! On essaie de vous comprendre et on vous répond en russe, cependant tous les jeunes Polonais ne disent plus vraiment un mot de russe et on les comprend ! La proximité avec la Russie n’est absolument pas perceptible. La veille, cependant, une chansonnière de talent a chanté dans un cabaret une chanson russe, censée dévoiler les charmes du Paradis Soviétique. Elle avait quelque chose d’authentique, de touchant et de tragique. Diaghilev en avait la gorge serrée et a mis longtemps à s’endormir. Il embrasse son chéri, très cher.
Partager