Lot n° 522

ARAGON Louis (1897-1982). 14 L.A.S. « Aragon », 1968-1973, à Henri DROGUET ; 19 pages in-4. Belle correspondance à un jeune poète. [Henri DROGUET, né en 1944, publie son premier recueil Le Bonheur noir en 1972, au Mercure de France.]...

Estimation : 1000 - 1500
Adjudication : 1 000 €
Description
10.XII.1968. Il est accablé de manuscrits. De tous les poèmes que lui a envoyés Droguet, il en aime trois : « Le reste... ou ça me rappelle quelque chose ou ça ne me dit rien. Après tout, il est plus difficile qu’on ne croit de parler d’amour, on n’est jamais le premier ». Il aimerait « que les trois qui me plaisent paraissent dans les Lettres Françaises »… – 27/3/69. « Il est certain que je ne puis, pratiquement, écrire en détail des appréciations de chaque poème reçu, même s’ils me plaisent (vous n’imaginez pas le courrier que je reçois) »… –Quiberon 29.III.70. « Nous avons été tout ce temps gravement malades ma femme et moi et je vis avec une inquiétude de tous les instants dans le cœur. J’ai longtemps essayé par quelques signes de vie de donner le change. On n’aime guère à faire pitié. […] J’ai devant moi les sept poèmes que vous m’avez envoyés au début de 70, je ne les aime pas moins que ceux de 68. Si vous voulez bien, je vais publier l’ensemble dans Les Lettres […] vous dites, et vous avez raison, que je publie trop pour qu’on puisse tout acheter (les italiques sont de vous). Je vous le concède, mais on peut y voir le fait d’un homme qui sait que le temps lui est mesuré, et qui n’aime pas les œuvres posthumes. […] Pour qui, je vous le demande, publie-t-on des livres, quand on pourra déjà en être fatigué au bout d’une longue et lourde vie ? »… – 23/11/70. Projet de réunir « la foule de mes poètes »… – 10/I/71 : « les 25 Décembre et 1er janvier au moulin j’ai eu deux de ces crises dont Elsa est morte, et je n’arrive pas à mourir »… Il propose de publier Le Bonheur noir aux E.F.R. » – 16 février. « Mon cher enfant Deux crises d’angine de poitrine expliquent à la fois les retards de mon courrier, atroce à voir sur ma table, et l’impuissance d’écrire qui m’a fait retarder plusieurs semaines un article, écrit et déchiré une fois parce que ça ne valait pas pipette. Pardon de t’avoir ainsi tenu en haleine. Les poèmes sont beaux, j’ai réuni le tout, je m’occupe du sort de l’ensemble ces jours-ci. J’espère écrire si pas cette semaine, la suivante l’article qui me prouvera à moi-même la fin de cette impuissance d’écrire qui me prend depuis moins d’un an, et de quoi je voudrais en avoir fini »... – 23/IV. « Je m’arrange la semaine prochaine pour poser le problème de ton livre à une grande maison d’édition. Si ça ne marche pas, ce sera fait de toute façon chez moi à la rentrée »… – 1er juillet 71. « le Mercure de France éditera tes poèmes. J’avais donné à Simone Gallimard (directrice du M. de F.) un manuscrit fabriqué par moi de ce que j’avais »… – 9 mai 72. Il revient de Marseille « où se tenait la nouvelle exposition Elsa Triolet, et devait se jouer le ballet sur Maïakovski, qui nécessitait aussi ma présence. […] Ce voyage à Marseille, je l’ai entrepris en pleine crise cardiaque, et j’ai bien cru ne pas même pouvoir le faire. J’ai des ennuis dont je ne peux pas écrire, et qui rendent ce que je dis incompréhensible ». Il fait le point sur le manuscrit du Bonheur noir, dont il n’a rien « censuré »… – 8/7/73 : « je n’ai pas cessé d’être malade malgré quelques apparitions au grand air, depuis le commencement de cette année. Pas malade comme on dit pour s’excuser. J’ai failli à plusieurs reprises simplement crever. La dernière aventure remonte à moins d’un mois. Mon médecin m’a malgré mes protestations enlevé de chez moi pour m’hospitaliser à St Antoine, disant que sans cela il ne pouvait répondre de ma survie. J’ai l’air d’avoir été remis sur pied. Je suis comme on dit quelque part sur la Côte à essayer de m’en persuader. Devant le monceau des travaux entrepris et abandonnés... A vrai dire, depuis l’automne dernier, je ne suis plus moi-même »… Etc.
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