Lot n° 595

FLAUBERT Gustave (1821-1880). L.A.S. « Gve Flaubert », Croisset Vendredi soir 28 juillet [1876], à Jeanne de TOURBEY, comtesse de LOYNES ; 2 pages et quart in-8 sur papier bleu. Belle lettre tendre et mélancolique. « Eh bien, pauvre chère...

Estimation : 1200 - 1500
Adjudication : 3 100 €
Description
belle, êtes-vous toujours aussi triste ? Votre dernière lettre était navrante. Et au milieu de ma Littérature, je songe à vous, plus souvent que vous ne croyez. Je vois votre jolie mine affligée, ce qui me désole. Que ne m’est-il donné sinon de vous consoler, du moins de vous distraire ! Vous me dites que vous êtes inutile au monde. Ce n’est pas vrai. Vous m’êtes utile à moi puisque vous vivez. – & à d’autres aussi, j’en suis certain ! Allons ! voyons ! un peu de force ! Rien ne dure longtemps, soyez-en sûre ! Ce qui est bon comme ce qui est mauvais passe vite. Il faut se jeter sur l’un & repousser l’autre. Voilà la sagesse. L’année dernière à cette époque-ci, j’étais désolé, par une ruine de fortune complète, par l’affliction de ceux que j’aime, &, surtout, par l’incertitude de l’avenir. – En partant de Croisset pour Concarneau, je croyais même ne jamais remettre les pieds dans cette pauvre bonne maison où mon cœur est attaché par tant de souvenirs et d’habitudes – Eh bien, je me suis remis à travailler tout doucement & maintenant l’ouvrage va très bien, les Affaires (les exécrables affaires) sans être encore bien splendides se relèvent un peu. Il y a tout lieu d’espérer qu’elles se relèveront complètement – & je suis certain de garder Croisset. – Prenez exemple sur votre ami, soyez un peu philosophe. Une seule chose est irrémédiable : la mort. Mais votre cœur est blessé, ma chère Jeanne. Laissez-le saigner. La cicatrice se fera d’elle-même. Croyez-en là-dessus un vieux troubadour – qui lui aussi a eu des histoires ! Vous enviez mes occupations. Là-dessus vous avez raison. Sans elles, l’existence me serait intolérable. Mais n’est-ce rien que d’être une femme comme vous – c’est-à-dire un être pouvant se faire aimer de qui bon lui semble, & dont la délicatesse même est une force irrésistible. Il faut vous regarder et vous admirer. Là est votre devoir »… Et il termine, avant de signer : « Votre vieux fidèle qui vous baise les mains & tout ce que vous lui abandonnerez de votre personne ». En post-scriptum, il s’inquiète d’Alphonse Daudet et de sa pièce. Correspondance (Pléiade), t. V, p. 84. On joint : – une l.a.s. de Maurice BARRÈS ; – un dessin à la plume (18 x 12 cm), légendé au crayon « Alfred de musset (par Victor Hugo) ».
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