Description
devant le Christ tenant un livre et pointant vers Dieu le Père Quatre putti en camaïeu d’or dans les coins extérieurs, inscription en lettres majuscules romaines : « SANCTA TRINITAS UNUS DEUS MISERERE MEI » dans un médaillon quadrilobé dans le cadre inférieur. Feuillet enluminée sur parchemin, tempera et feuille d’or. Attribuable au « Maître de T.° Ve. » (ou « T.° Ve. Master »), actif à Venise entre 1520 et 1570. Italie, Venise, vers 1560. Dimensions : 232 x 160 mm Feuillet non encadré, bon état général, quelques manques à la surface picturale. Quelques petites lacunes de parchemin aux coins supérieur et inférieur droits. Verso blanc, à l’exception de l’inscription dans la partie supérieure (voir Provenance ci-dessous). Bel exemple de frontispice enluminé d’une Mariegola (contraction de « Madre » et « Regola »). Les premières associations entre travailleurs libres tels que maîtres d’art, artisans, commerçants, se sont formées à Venise vers le XIe siècle dans le but de protéger les intérêts moraux et sociaux des travailleurs, un peu comme les syndicats d’aujourd’hui. Les règles relatives aux droits et devoirs des affiliés aux associations libres étaient consignées dans un statut connu sous le nom de « mariegola », du latin « matricula » ou « règle mère ». Le statut réglementait de nombreux aspects du fonctionnement des entreprises vénitiennes, parmi lesquels figuraient les relations entre les travailleurs, en particulier entre les propriétaires et les apprentis, mais aussi la surveillance de la loyauté de la concurrence, le contrôle de la qualité et un système d’entraide. Il établissait également des règles formelles sur les aspects religieux, moraux, comportementaux, politiques, économiques et administratifs. Elles étaient souvent enluminées et représentaient le portrait de l’artisan ou du commerçant nouvellement intronisé. Les Mariegole étaient conservées dans les archives des Écoles (telles que la Scuola Grande di San Rocco ou la Scuola Grande di San Marco). Les écoles, qui fournissaient une assistance économique, professionnelle et spirituelle, étaient des confréries laïques qui choisissaient un saint patron. De nombreuses écoles regroupaient des groupes d’artisans en fonction de leur profession et chaque école avait son propre registre professionnel. L’artiste qui a peint cette feuille est associé à une quarantaine de Dogali et Giuramenti (serments d’entrée en fonction), attribués au « Maestro T.° Ve. » et à son atelier vénitien, actif entre les années 1520 et 1570. Son nom provient d’une note datée figurant dans un feuillet de Dogale, aujourd’hui conservée au Fitzwilliam Museum de Cambridge, Marlay Cutting It. 43 : « T.° Ve. dep. 1578 », ajout postérieur, feuillet détaché d’une commission pour Pietro di Bernardino Tagliapietra en tant que Podestà de Vicence ; voir Binski et Panayotova, The Cambridge Illuminations, Londres, 2005, n° 140). Un ensemble d’œuvres rassemblées pour la première fois par Giulia Maria Zuccolo Padrono (1971, pp. 53-71) est associé avec cet artiste dit « Maestro T.° Ve ». La référence et les liens avec Tiziano Vecellio (Le Titien) suggérée par un marchand d’art trop « optimiste », ont depuis été récusés, mais l’appellation est restée. Bien qu’aucun lien direct avec le Titien ne puisse être établi, le style du « Maître T.° Ve. » témoigne du triomphe du maniérisme dans l’enluminure vénitienne contemporaine. Il est également amusant de noter que la Mariegola serait destinée à Paris Bordon (comme le suggère l’inscription au verso de la feuille peinte), qui a été en partie formé dans l’atelier du Titien. Dans la seconde moitié du XVIe siècle, les mécènes des Dogale, Mariegole et Commissions en général ont commencé à demander davantage d’enluminures à pleine page, qui étaient en fait de petits tableaux indépendants, espaces idéaux pour représenter les patriciens. Ces enluminures et portraits à pleine page étaient souvent découpés du manuscrit et recherchés par les collectionneurs au même titre que les dessins. La présente feuille est un bel exemple de cette pratique. Provenance : 1. Enluminé à Venise, d’après le style et l’association avec des feuilles et des enluminures attribuées à un peintre vénitien, baptisé « T.° Ve. Master » (voir ci-dessus). Concernant les enlumineurs des Mariegole, Dogale et Commissions vénitiens, voir Szépe (2018, pp. 69-70) et pour le « Maestro T.° Ve. », voir Szépe (2018, pp. 136). 2. Inscription à l’encre brune au verso de la feuille : « Mariegola de Paris Bordone. 1560 ». Elle est copiée d’une écriture du XVIIe siècle (ou fin du XVIe siècle ?). Nous ne savons pas de quelle corporation il s’agit, peut-être en lien avec sa profession de peintre ? 3. Paris Bordon (Tréviso, 1500-Venise, 1571) était un peintre italien de la Renaissance vénitienne formé par Le Titien. On ne sait pas exactement quel est le lien entre Paris Bordon et Benedetto Bordon (vers 1450-1530), enlumineur et cartographe à Padoue et Venise. Cependant, nous savons que Benedetto Bordon a également peint des compositions similaires et a largement participé à l’enluminure de Dogali et Giuramenti, par exemple une feuille détachée d’une commande à Vincenzo Donato (1512) (Saint-Marin, Huntington Library, EL 9 H 13,1) ; voir également Cambridge, University Library, MS Dd.10.23 ; Binski et Panayotova, The Cambridge Illuminations, Londres, 2005, n° 139, commende de Vincenzo Zantani nommée par le doge Andrea Gritti en 1524 ; ou Philadelphie, Free Library, MS Lewis E. 143, commende de Marcantonio di Alvise Contarini (1504). Voir : Marcon, S. « Maestro T° Ve. », in Dizionario biografico dei miniatori italiani, 2004, p. 712. – Szépe, H.K. Venice Illuminated. Power and Painting in Renaissance Manuscripts, Yale Univeristy Press, 2018. – Zuccolo Padrono, G. M. « Il Maestro ‘To. Ve.’ e la sua bottega : Miniature Veneziane del XVI° secolo », in Arte Veneta, 25 (1971), pp. 53-71.