Description
volumes de texte in-folio, 335 x 255, et deux atlas reliés en un grand volume in-folio, 493 x 368 : portrait, (2 ff.), V pp., (1 f.), 580 pp., 9 cartes, 1 plan ; (3 ff.), 523 pp., 2 cartes ; Atlas : 4 ff. premier blanc), 22 planches ; XII pp., 40 planches. Demi-chagrin rouge, dos à nerfs orné, tranches dorées (reliure de l’époque). Édition originale, très rare avec tous les volumes à la date de 1873, abondamment illustrée. Il s’agit de la relation de la mission de l’exploration du Mékong, menée par le capitaine de frégate Ernest Doudart de Lagrée (1823-1868), avec pour second le lieutenant Francis Garnier (1839-1873). Ils furent accompagnés, notamment, du géologue Lucien Joubert, chirurgien de marine de 2e classe, du botaniste Clovis Thorel, chirurgien de marine de 3e classe, du dessinateur Louis Delaporte et de Louis de Carné fils, élève consul et agent du ministère des Affaires étrangères. Publié par Francis Garnier, l’ouvrage est une œuvre collective composée par ce dernier et plusieurs membres de l’expédition. Officier de marine et explorateur visionnaire, Francis Garnier se forma à l’École navale avant de servir dans les mers du Sud (1857–1858) puis de participer à l’expédition de Chine (1860) sous les ordres de l’amiral Charner, où il se distingua et fut promu enseigne de vaisseau. Il accompagna ensuite Charner en Cochinchine (1861), puis, après un bref retour en France, revint en Indochine comme inspecteur des Affaires indigènes (1863) puis administrateur de Cholon (1865), obtenant le grade de lieutenant de vaisseau. Ses écrits sur la colonisation convainquirent le ministre de la Marine et Napoléon III de lancer une mission d’exploration du Mékong pour évaluer son potentiel comme voie d’accès vers la Chine. En 1866, il partit comme second du capitaine Doudart de Lagrée, traversant le Cambodge, le Laos et atteignant le Yunnan chinois en explorant le haut cours du fleuve Song (1866–1868). À la mort de Lagrée, Garnier prit la tête de l’expédition, gagna le Yangtsé, effectua une excursion au Tibet, puis descendit le fleuve jusqu’à Shanghai (1868). Les résultats de ce voyage furent exceptionnels : avancées en cartographie, géologie, botanique, zoologie, ethnographie et linguistique. De retour en France, Garnier fut acclamé par les Sociétés de géographie de Paris et Londres et dirigea la rédaction de son récit, Voyage d’exploration en Indo-Chine (publié en 1873), tout en travaillant au Dépôt des cartes et plans de la Marine. Pendant la guerre de 1870, il servit sous les amiraux Jurien de La Gravière et Méquet, mais ses prises de position contre la reddition des forts lui valurent une disgrâce temporaire. Il repartit alors pour la Chine (1872–1873) comme correspondant du journal Le Temps et y fonda une société de commerce de soie à Shanghai. Rappelé par l’amiral Dupré pour ses connaissances stratégiques sur le Tonkin et le fleuve Song, il fut envoyé à Hanoï en 1873 pour soutenir le trafiquant Jean Dupuis et y imposer la présence française. Après des négociations infructueuses avec les Annamites, il s’empara de la citadelle de Hanoï en novembre 1873, mais trouva la mort un mois plus tard, en décembre, lors d’une attaque téméraire contre les Pavillons noirs. Pour cet ouvrage, Francis Garnier a rédigé l’essentiel du récit du voyage, ainsi que les études géographiques (en collaboration avec Louis Delaporte), astronomiques, météorologiques, historiques, ethnographiques, linguistiques et politiques, s’appuyant en partie sur les notes d’Ernest Doudart de Lagrée, notamment pour les descriptions du temple d’Angkor et les langues locales. Lucien Joubert, médecin, a traité les questions géologiques et minéralogiques, incluant une traduction française d’un traité chinois sur le Yunnan, tandis que le docteur Clovis Thorel a abordé l’anthropologie, l’agriculture et l’horticulture. Les cartes et plans ont été établis à partir des relevés réalisés par Francis Garnier, Ernest Doudart de Lagrée, Louis Delaporte et Jean-Baptiste Laëderich (pour le temple d’Angkor). Enfin, les illustrations — vues dans le texte et hors texte — ont été lithographiées d’après les dessins de Louis Delaporte. L’édition se distingue par une iconographie d’une grande richesse, où chaque détail a été soigné pour offrir une immersion visuelle totale dans l’expédition. Les volumes de texte, s’ouvrent sur un portrait-frontispice gravé sur bois représentant le capitaine Doudart de Lagrée, et comprend 1 plan et 11 cartes lithographiées hors texte, certaines rehaussées de couleur, ainsi que près de 250 gravures sur bois, dont 38 à pleine page. Les atlas, quant à eux, contiennent au total soixante-deux planches. On y trouve vingt-deux cartes et plans lithographiés, dont certains dépliants ou à double page, également rehaussés de couleurs, qui cartographient avec précision les territoires explorés. S’y ajoutent quarante feuillets (dont quatre à double page) présentant quarante-huit compositions — vues, scènes et portraits — numérotées de 1 à 47, avec un 44 bis. Certaines planches, par leur format, accueillent jusqu’à trois illustrations, tandis que d’autres, simples ou doubles, en rassemblent deux. Parmi ces 48 compositions, deux ont été gravées sur cuivre. Les autres sont des lithographies en deux tons sauf 14 qui sont en couleurs. Exemplaire très bien conservé, malgré quelques rousseurs éparses. Habiles restaurations à la reliure de l’atlas. On joint 27 pièces, dont une précieuse correspondance autographe de Francis Garnier. L’ensemble comprend vingt-deux lettres de sa main — dont vingt-et-une signées et une non signée — couvrant la période 1858–1870, ainsi qu’un manuscrit autographe signé datant de 1857. Quatre pièces annexes complètent ce corpus : une copie manuscrite ancienne d’une lettre de Francis Garnier au frère d’Ernest Doudart de Lagnée (1870), un prospectus de Francis Garnier pour les membres de l’Institut (vers 1870), et deux brochures imprimés le concernant (1882 et 1898). L’ensemble, soigneusement préservé, est renfermé dans un coffret in-folio au dos lisse de chagrin rouge, spécialement conçu avec un logement intérieur in-8 par Elbel Libro (2021). - Les 8 premières lettres, adressées à Jean-Baptiste Éliacin Luro en Indochine, offrent un éclairage sur son Voyage d’exploration en Indo-Chine. Elles sont datées du 14 mai 1869 au 12 août 1870. Dans ces lettres intimes, Francis Garnier, alors affecté au Dépôt des cartes et plans de la Marine et des Colonies, évoque l’élaboration de son grand ouvrage sur l’expédition du Mékong. Il rend hommage à Ernest Doudart de Lagrée, tout en collaborant avec les docteurs Clovis Thorel et Eugène Joubert, ainsi qu’avec Louis Delaporte — dont il regrette qu’il ait négocié seul avec Hachette. Garnier souligne l’apport cartographique validé par Charles Mourin d’Arfeuille, qui compléta les relevés entre Somboc et Nongkhay. Un conflit éditorial l’oppose à la famille de Louis de Carné (mort en 1870), dont l’oncle, l’amiral de La Grandière, tente de bloquer la publication de son Voyage d’exploration en Indo-Chine. Grâce à l’appui du ministre Rigault de Genouilly, de l’impératrice Eugénie et de Napoléon III, il parvient cependant à conserver la direction de son livre et à obtenir un financement public. Il détaille l’avancement de son travail : rédaction, gravures, prépublication dans Le Tour du Monde, et évoque ses projets parallèles (articles, conférence à la Sorbonne, création d’un prix d’exploration à la Société de géographie). Enfin, il annonce son projet de retour au Tonkin pour y développer le commerce des soieries. Ces lettres révèlent aussi son réseau d’amitiés parmi les officiers de marine, comme Paulin Vial, Jean-Baptiste Léon Ouk et Henri de Bizemont, témoins d’une fraternité d’aventuriers et de savants engagés en Indochine. - Les 14 lettres suivantes rapportent les débuts aventureux de Francis Garnier : du Pacifique aux rêves d’empire (1857–1859). Toutes sont autographes et signées, sauf une qui n’est pas signée. Huit sont adressées à ses parents, 3 à son frère Léon Garnier, et 3 à Jean-Baptiste Éliacin Luro. Elles ont été écrites au Chili et au Pérou entre le 18 janvier 1858 et le 15 avril 1859. Dans ces lettres de jeunesse, Francis Garnier, jeune aspirant de la Marine, raconte son périple initiatique à travers le Pacifique et les côtes américaines, une odyssée qui forgea son esprit d’aventure et ses ambitions coloniales. Parti de Brest en octobre 1857 sur la frégate L’Alceste, il traverse l’Atlantique via les Canaries, atteint le Brésil, puis Montevideo, où il embarque en janvier 1858 sur la corvette La Constantine. Après avoir doublé le cap Horn, il gagne le Chili et fait escale à Valparaiso (mars 1858), puis à Coquimbo (mai 1858), avant de rejoindre le Pérou à bord de L’Eurydice. Son voyage se poursuit aux îles Marquises et à Tahiti (juillet 1858), puis aux îles Sandwich (septembre–novembre 1858), où il participe à la protection des pêcheurs de baleine français. De retour par San Francisco (décembre 1858), il se retrouve à Valparaiso en février 1859, au cœur des troubles révolutionnaires chiliens, où la Marine française intervient pour protéger ses ressortissants. Ses missives détaillées révèlent un observateur avisé : Il décrit sa visite de Lima (Callao, 11 juin 1858) et sa rencontre avec une Péruvienne, épouse de l’aventurier Édouard Maury de Lapeyrouse (Paita, 21–22 juin 1858). Il relate les tensions diplomatiques entre la France et le Pérou, illustrées par l’incident entre le président Ramón Castilla et le consul français, qui provoque la rupture d’un entretien avec le capitaine Didelot (Valparaiso, 15 avril 1859). Il évoque les bouleversements politiques au Chili, où il assiste à l’insurrection libérale contre le président Manuel Montt (Valparaiso, février–mars 1859). Il mentionne ses démêlés avec la presse américaine : une plainte contre un marchand malhonnête et un poème en réponse à des critiques anti-françaises, publiés dans L’Écho du Pacifique (San Francisco). Mais ces lettres dévoilent surtout un projet démesuré, mêlant patriotisme colonial, piraterie antibritannique et ambition commerciale. Jeune officier frustré par le déclin de la Marine française sous Louis-Philippe Ier, Garnier rêve de fonder en Extrême-Orient un empire rival de l’Inde britannique, avec une flotte privée pour défier les Anglais, des comptoirs stratégiques et même la quête du trésor des pirates de l’île Cocos (Callao, 26 mai 1858). Il envisage de rassembler une équipe d’audacieux, s’inspirant de son camarade Nicolle, parti tenter l’aventure en Oregon sur les traces du comte de Raousset-Boulbon. « Si ce moyen réussit, il me donne le monde », écrit-il à son frère depuis Valparaiso (23 mars 1859), résumant ainsi l’idéal qui guidera sa vie : indépendance, exploration et conquête. Ces 14 lettres (dont 13 autographes signées), adressées à sa famille et à son ami Jean-Baptiste Éliacin Luro, trahissent déjà le tempérament d’un homme qui alliera science, militaire et aventure, et annoncent ses futurs exploits – comme ses échecs – en Indochine. - Manuscrit signé de ses initiales en deux endroits, 8 pages in-8, mai 1857, évoquant le souvenir de la visite à Brest du grand-duc Constantin, grand-amiral de Russie.. Alors élève-officier sur le Borda, Francis Garnier décrit la visite du prince Napoléon-Jérôme à l’École navale de Brest, du 25 au 27 avril 1857 – un an après le traité de Paris, qui avait scellé la fin de la guerre de Crimée. Si son portrait du prince reste élogieux, il n’hésite pas à critiquer vertement son attitude désinvolte, voire méprisante, envers les traditions protocolaires. Indigné que celui-ci ait écourté les festivités organisées en son honneur, Garnier s’exclame : « Une école française est-elle donc si peu de chose qu’on puisse la traiter comme des serfs russes sur lesquels leur seigneur daigne à peine jeter un regard ? » Francis Garnier avait rédigé ce récit dans l’idée de le faire paraître dans la presse. - Les 4 autres pièces comprennent : - Garnier (Francis). Lettre au frère d’Ernest Doudart de Lagrée, en copie manuscrite ancienne. Paris, 10 juin 1870. 6 pp. in-8. Au sujet de la publication du Voyage d’exploration en Indo-Chine : « ... l’ouvrage officiel... est... le meilleur monument à élever à la mémoire de votre frère... » - Garnier (Francis). Exploration du Cambodge. 4 pp. lithographiées sur un bifeuillet in-folio. [Vers 1870]. Prospectus à l’intention des membres de l’Institut, dans lequel il rappelle la part qu’il a prise à l’exploration du cours du Mékong, et annonce qu’il souhaite se rendre au Tibet pour achever l’exploration de cette région afin de compléter sa carte orographique. Il sollicite des instructions pour « éclairer et... diriger ses recherches ». - Garnier (Léon). Notice sur Francis Garnier. Paris : Librairie Hachette et Ce, [1882]. Plaquette imprimée in-12, brochée. Tiré à part de sa préface à l’ouvrage de son frère De Paris au Tibet paru de manière posthume en 1882. - Denancy (Edgar). À Francis Garnier. Ode. Avize [Marne] : imprimerie Waris-Callot, 1898. Plaquette imprimée in-12, sur papier filigrané de motifs floraux, titre et dédicaces imprimés à l’encre dorée. Pièce de vers publiée à l’occasion de l’inauguration du monument élevé à la mémoire de Francis Garnier à Paris le 14 juillet 1898.