Lot n° 150

CHATEAUBRIAND François-René de (1768-1848). L.A., Vérone 9 décembre 1822, à la duchesse de DURAS ; 9 pages et demie in-8. Très belle et longue lettre sur le bilan du Congrès de Vérone pour les affaires d’Italie, avec le début d’un poème...

Estimation : 2000 - 2500
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Description
sur les Alpes et l’Italie. « C’est un grand tourment d’écrire le matin même ou la veille du jour où l’on attend un courrier qui vous apporte la paix ou la guerre. Tous mes raisonnemens aujourd’hui seroient hors-d’œuvre, pour ce qui s’est passé, et ce qui se passe maintenant à Paris, et pour ce qui sera arrivé le jour où vous recevrez cette lettre. […] Tout le Congrès fait ses paquets. Nous partons tous du 11 au 16. Je vois l’empereur de Russie demain et je dîne aujourd’hui chez M. de NESSELRODE. Je continue à gagner du terrain, et j’ai pas mal contribué à terminer honorablement pour la France les affaires d’Italie, les seules qu’on m’avoit laissées à traiter. Le Piémont sera évacué, et l’évacuation commence le 1er janvier prochain et sera terminée au mois de septembre, Alexandrie remis au Roi de Sardaigne &c. On retirera 17 mille Autrichiens du Royaume de Naples. On diminuera les contributions de guerre. Il ne restera dans toute la Sicile qu’une garnison autrichienne dans le château de Palerme. La Consulte Sicilienne et la Consulte Napolitaine qu’on n’avoit pas voulu convoquer, seront enfin appellées et ce malheureux royaume aura du moins un commencement d’administration. Il avoit été question d’établir une espèce de commission centrale d’enquête contre les Carbonari et révolutionnaires en Italie, comme à Mayence. Les petits états italiens étoient consternés. J’ai parlé contre, hier à la séance du Congrès, et elle n’aura pas lieu. Ainsi ce que l’on m’a confié avec regret, les notes sur les Colonies espagnoles, la traite des Nègres et les libertés de l’Italie, a été mené à bon port. Je suis donc content de moi. On me demande tous les jours ici, si je suis ministre. J’ai beau dire que je me rends à Londres, on ne me croit pas. C’est pourtant la pure vérité. Vous faites des romans au milieu des bruits de guerre, et moi des vers. Mais je me donne bien garde de le dire. J’ai fini mes stances sur les Alpes et sur l’Italie ». Et Chateaubriand en transcrit les quatre premières strophes : « Donc reconnoissez-vous dans vos profonds abymes Ce voyageur pensif, Au cœur triste, aux cheveux blanchis comme vos cîmes, Au pas lent et tardif ? […] Alpes ! vous n’avez point subi mes destinées ! Le temps ne vous peut rien […] Pour la première fois quand rempli d’espérance, Je franchis vos remparts, Ainsi que l’horizon un avenir immense S’offroit à mes regards. L’Italie à mes pieds, et devant moi le monde ! &c. Étois-je en verve ? Le reste ne va pas mal : vous retrouverez Natalie [de NOAILLES]. Le Congrès est saboulé, le Simplon admiré, mais remis à sa place, et ses rochers abaissés au-dessous des rochers de Meillerie leurs voisins. Enfin c’est le vieil homme revenu dans le vieux homme. Cachez bien ma honte ; je serois perdu. Heureusement que Lord STRANGFORD, ambassadeur à Constantinople, fait aussi des vers, en empêchant la Russie d’avaler les Turcs ; et le Pce METTERNICH est amoureux de toutes les femmes. À chacun sa coulpe »… Quant à Mathieu de MONTMORENCY nommé duc : « Pourquoi pas. Il a fait d’assez bonne besogne pour cela. Caze [Decazes] aussi est Duc, et Polignac Prince. Que voulez-vous ? C’est du radotage. Mais je cherche en vain à deviner par votre lettre si le Conseil du roi a accepté ou non les mesures proposées par le Congrès. C’étoit là pourtant l’essentiel à savoir pour moi »… Correspondance générale, t. IV, n° 1918. Exposition Chateaubriand (Bibliothèque nationale, 1969), n° 397. Provenance : La Duchesse de Duras et ses amis, Chateaubriand (vente 24 octobre 2013, n° 130).
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