Lot n° 411
Sélection Bibliorare

SAINT-DOMINGUE. Henri DEPESTRE, banquier, propriétaire et négociant à Saint-Domingue. Manuscrit en partie autographe, Livre de copie commencé le 11 octobre 1785, [Saint-Omer, Paris et Saint-Domingue], 1785-1790 ; un volume in-folio de [61] ff....

Estimation : 4 000 / 5 000
Adjudication : Invendu
Description
n. ch. (plus ff. vierges), reliure de l’époque demi-parchemin, attaches de corde (bien conservées), tranches rouges.
Très intéressant registre de la correspondance des frères Depestre, banquiers, propriétaires et négociants à Saint-Domingue. Ces lettres sont écrites du 11 octobre 1785 au 23 novembre 1790, probablement à deux mains (les deux frères), écrites successivement : de Saint-Omer (4), 11-16 octobre 1785 ; de Paris (10), 15 avril-11 mai 1786 ; de Saint-Domingue, au Cap Français, mais surtout Mont-Rouy, où Depestre semble avoir eu sa résidence : 118 lettres, c’est-à-dire l’essentiel de cette correspondance, du 20 juillet 1786 au 23 novembre 1790, avec une interruption du 13 novembre 1787 au 6 mai 1789 (« Je n’ai tenu copie d’aucune lettre tant pour l’Europe que pour les colonies ». Depestre est arrivé en effet le 19 juillet 1786 au Cap, et s’est de suite empressé de mettre ses affaires à jour. Correspondance d’affaires. L’essentiel de la correspondance concerne l’activité des frères Depestre à Saint-Domingue. On peut y suivre leur installation et le développement de leurs activités. Leurs débuts dans la colonie relèvent essentiellement du recouvrement de créances. Même s’ils se plaignent de mauvaises affaires (ils s’adressent à des créanciers !), leur réussite semble bien réelle et va leur permettre d’acquérir un domaine où la production de café est leur activité principale. Le 29 octobre 1786, l’achat d’un domaine est évoqué ; ils sont arrivés au mois de juillet. Dans une lettre à leur tante Mme de Falligan à Gand (22 janvier 1787), Depestre explique que la fortune semble leur sourire. Ils envisagent de s’installer dans l’île de la Gonave et se livrent à un calcul financier de ce qu’elle coûterait en concession et de ce qu’elle pourrait rapporter en sucre et en café (12 février 1787). Ils expliquent que cette concession sera difficile à obtenir, car les administrateurs de la colonie ont dans ce moment un marché avec un entrepreneur qui l’oblige à fournir tous les bois dont le Roi a besoin, et supposent que le surplus financier est partagé avec les administrateurs... Leurs affaires passent par une solidarité familiale puisque cette lettre est adressée à leur cousin le comte de Seneff à qui est proposée une association… L’esclavage est souvent évoqué dans ces correspondances. Nous citerons quelques passages. 12 septembre 1786, ils se portent acquéreurs de nègres pour leurs habitations près de négociants à Port au Prince : « Nous en prendrions jusqu’à vingt ». Le 22, ces derniers « ne nous conviennent oint du tout et j’aimerai mieux de beaux nègres nouveaux »… Le 5 décembre : « vos nègres sont arrivés à bon port, le choix est beau, […] nous sommes assez contents des trois nègres faits que vous nous avez vendus ; […] nous les gardons ». 16 janvier 1787, à leur frère resté à Boulogne, ils demandent des fonds pour « une augmentation de 15 nègres, une autre de 12, que nous voulons faire »… 5 février, ils y renoncent : « les nègres sont trop chers à crédit, […] nous y gagnerons en attendant »... 12 février, sur la spéculation des nègres : « les beaux se vendent de 2500ll à 2600ll venants de la côte à 1/3 comptant, 1/3 à 6 mois et 1/3 à 18 mois ; les cargaisons rentrent toujours »… Ils ont perdu 17 nègres, dont 9 travailleurs [...] je viens de les remplacer par 15 têtes, [...] le double de nègres triplerait le revenu »…. Après une interruption de la correspondance, le 6 mai 1789 ils demandent un crédit à leur cousin à Bruxelles pour acheter cent nègres faits à la culture ce qui mettra à un très haut revenu mes habitations. Plus loin, ils évoquent une nouvelle ordonnance du gouverneur qui permet l’introduction des nègres étrangers dans la partie du nord de l’île, ce qui peut-être fera baisser le prix des nègres dans cette partie... Révolution et émancipation des esclaves. Les questions politiques ne sont évidemment pas l’objet de cette correspondance. Pourtant, en 1789, la situation devient tellement préoccupante, qu’ils écrivent à leur cousin le comte de Seneffe à Bruxelles, le 2 novembre 1789 : « Nous sommes informé de tout ce qui s’est passé en France », et ils font « des vœux pour la fin des calamités, qui ont gagné icy. Tout est bouleversé et nous nous attendons à une révolution déchirante. Nous sommes menacés d’une guerre civil si la députation du Comité du comité du Cap joint à celle de celui du sud ne s’accordent pas avec notre comité de cette partie de l’ouest. [...] Nous avons à craindre de nos esclaves si on les échaufe. La disette qui nous menace et la perte de nos récoltes, quelle position ! [...] Ormis notre gouverneur tous nos chefs d’administrations de finances et plusieurs officiers publics sont en fuite. Nous scavons avec quelle chaleur la liberté de nos esclaves est demandée en France par une assemblée de philantropes [...] Avec un pareil sistème ils peuvent réussir à faire égorger 40 mille de leurs frères et voir un peuple noir de 400 mille réduit à 40 mille en dix ans, par misère et faminnne. Nos esclaves ne sont pas malheureux comme le veulent plusieurs. Ils sont toujours près à chanter et danser. Jamais on ne fait ces deux choses quand on souffre »...
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