Lot n° 5

CHARTIER, Alain. Les Fais maistre Alain Chartier notaire et secretaire du Roy Charles VIe. [In fine :] imprime en la ville de P aris, par maistre Pierre Le Caron, le 5 jour de septembre 1489. 2 parties en un volume petit in-folio de (161) ff. y...

Estimation : 80000 / 120000
Adjudication : 165 000 €
Description
compris le titre : veau blond, dos à nerfs orné,
pièces de titre de maroquin vert, triple filet doré encadrant les plats, coupes filetées or, bordures
intérieures décorées, tranches dorées (reliure du XVIIIe siècle).
ÉDITION ORIGINALE, ILLUSTRÉE DE BOIS GRAVÉS :
UN INCUNABLE D’INTÉRÊT LITTÉRAIRE PARMI LES PLUS PRÉCIEUX.
L’ouvrage est orné d’un grand “L” ornementé et gravé sur bois imprimé sur le titre, d’une généalogie
des rois de France gravée et d’un beau bois gravé occupant deux tiers de la page : il figure le dialogue
entre l’Entendement et la Mélancolie représentés par un homme et une femme, avec leurs noms
allégoriques indiqués sur des phylactères. Cette figure est répétée à deux reprises.
Selon la minutieuse description de Tchemerzine, il existe deux tirages des Fais publiés par Pierre Le
Caron en 1489 : cet exemplaire appartient au second tirage.
Poète et diplomate originaire de Bayeux, considéré en son temps comme le “père de l’éloquence
française”, Alain Chartier mourut sans doute en 1430, âgé, dit-on, de 48 ans. Il fut secrétaire du
dauphin puis du roi Charles VII à la cour de Bourges.
“Il n’y a pas eu, au XVe siècle, de renommée littéraire plus grande que celle d’Alain Chartier. Nul poète
français jusqu’à Ronsard n’a été plus admiré de ses contemporains. Si l’excès de cette gloire
nous surprend, il faut avouer qu’Alain Chartier a laissé loin derrière lui tous ses prédécesseurs
du XVIe siècle” (L. Foulet).
Le recueil, en vers mêlés de prose, renferme le Livre de l’Espérance, le Curial, le Quadrilogue invectif,
dialogue qui montre l’état de la France à la veille de l’épopée de Jeanne d’Arc et fait appel au sentiment
national, le Libelle de paix (ou Lai de Paix selon la leçon des éditeurs modernes), le Debat de reveille matin,
le Bréviaire des nobles, le Livre des quatre dames qui pleurent leurs amants tués à la bataille d’Azincourt,
la Complainte très piteuse – une contemplation de la mort –, le Lai de plaisance, le Regret d’un amoureux
sur la mort de sa Dame , un grand nombre de ballades, ainsi que la fameuse Belle dame sans merci dont le
thème fut repris par d’autres poètes médiévaux et qui, par l’intercession de John Keats, vint nourrir
l’imaginaire du symbolisme.
L’intérêt du recueil est rehaussé par la présence de poèmes de François Villon et
de Michault le Caron dit Taillevent.
Le poème de François Villon parut ici l’année même de la première édition du Grand Testament :
il s’agit de la Ballade de bon conseil, imprimée au verso du feuillet L4.
Longtemps attribuée à Chartier, cette pièce a été rendue à Villon par ses éditeurs modernes.
Le poète a signé la ballade à l’envoi, en acrostiches.
Villon avait été libéré de prison peu avant et, rentré à Paris, cherchait à se réinsérer dans la société.
“C’est peut-être chemin faisant ou à son arrivée qu’il a conçu la ballade dite de bon conseil, ballade
optimiste où, sans doute pour se faire mieux accepter par d’anciens protecteurs, il joue le rôle du
criminel repenti et réintégré qui s’adresse à ses ex-compagnons, les exhortant à s’amender et à se
réintégrer eux aussi” (Gert Pinkernell).
Hommes failliz bertaudez de raison
Desnaturez et hors de congnoissance
Desmis du sens comblez de desraison
F olz abusez plains de descongnoissance
Qui procurez contre vostre naissance
V ous submettans a detestable mort
P ar laschete las que ne vous remort
Lorriblete qui a honte vous maine
V oiez comment maint jeunes homs est mort
P ar offenser et prendre autruy domaine.
Les feuillets L1r à L3r de la seconde partie contiennent l’édition originale des sept ballades du Regime
de fortune de Michault le Caron dit Taillevent (vers 1390-entre 1448 et 1458). Poète, valet de chambre
et “joueur de farces” à la cour de Philippe le Bon, duc de Bourgogne, il composa son Regime de fortune
vers 1445 : ce dernier a été attribué à tort à Alain Chartier et se trouve souvent reproduit dans les
manuscrits ou les imprimés des oeuvres du poète.
Magnifique exemplaire, à grandes marges, en reliure ancienne.
Provenances prestigieuses pour ce précieux volume, comme en témoignent les ex-libris de cinq
amateurs parmi les plus raffinés :
• Paul Girardot de Préfond, avec son nom en lettres dorées en tête du contreplat
(Cat. de sa première vente, 1757, n° 714)
• Baron Jérôme Pichon (Cat. I, 1869, n° 453, adjugé 1,100 francs or)
• Eugène Paillet (Cat. privé, 1885, n° 20 ; avec ex-libris et sa signature sur le contreplat)
Collection cédée en bloc à Damascène Morgand (Bulletin Morgand, 1887, n° 11858)
• Baron A. Franchetti (Cat. I, 1890, n° 147)
• Henri Bordes (1842-1911)
La belle reliure en veau décoré est attribuée à Boyet par Eugène Paillet. Coins émoussés.
Le feuillet blanc de séparation entre les deux parties (k8) n’a pas été conservé.
Bechtel C-270.- FVB-12811 : 7 exemplaires répertoriés dans les collections publiques, dont trois en France.- Tchemerzine-Scheler, II, p. 279.-
Goff, C-425.- Pellechet, 3529 & 3529a.- Claudin, II, 65.- Pour la ballade de Villon, voir : Jean Rychner et Albert Henry, Le Lais Villon
et les poèmes variés, 1977, I, p. 62 et II, p. 97 et Pinkernell, Le “pauvre Villon” comme type de l’exclu in Actes du colloque Figures de
l’exclu, p. 26.
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