Lot n° 58
Sélection Bibliorare

SAUVIGNY (Louis-Edme Billardon de). Histoire naturelle des dorades de la Chine. Accompagnée d'Observations & d'Anecdotes relatives aux Usages, aux Mœurs & au Gouvernement de cet Empire. Paris, De l'Imprimerie de Louis Jorry, 1780.

Estimation : 25 000 / 30 000 €
Adjudication : 31 750 €
Description
In-folio, cartonnage de papier bleu, non rogné (Cartonnage d'attente de l'époque).
Édition originale, extrêmement rare, de la première monographie sur les poissons rouges imprimée en Occident.
48 remarquables planches gravées en taille-douce par François-Nicolas Martinet, Ingénieur & Graveur du Cabinet du Roi actif entre 1760 et 1804, toutes coloriées au pinceau dans diverses nuances d'orangé, de brun, de rouge et de rose, sur un fond de couleur vert d'eau.
Les planches sont numérotées de 1 à 48 et représentent 88 variétés de cyprinidés parmi les sept espèces suivantes: le Kin-yu, qui est l'espèce la plus commune de toutes, le Ya-tan-yu ou l'Oeuf de canne, le Long-Tsing-yu ou les Yeux de dragon, le Choni-yu ou le Dormeur, le Kin-teon-yu ou le Cabrioleur, le Niu-eubk-yu ou la Nymphe, et le Ouen-yu ou Poisson lettré.
L'ouvrage que tentait de publier Louis-Edme Billardon de Sauvigny (vers 1736-1812) d'après un cahier manuscrit et un rouleau de peintures chinoises sur papier doublé de soie, qui donnait la représentation de 92 variétés de poissons dorés.
Ces précieux documents, qui appartenaient autrefois à Henri-Léonard Bertin (1720-1794), ministre de Louis XV et grand sinophile, avaient été expédiés en 1772 au ministre par Aloys Ko (Gao Ren, 1732-1790) et Étienne Yang (Yang Zhide, 1733-1798), deux séminaristes chinois venus étudier en France dans les collèges jésuites de la Flèche et Louis-le-Grand en 1752, puis repartis en Chine à la fin des années 1760. Les manuscrits sont aujourd'hui conservés au Muséum national d'histoire naturelle de Paris sous la cote Ms 5066.
Les planches ont été copiées sur ce rouleau avec une exécution parfaite, comme le souligne Sauvigny dans son Avertissement: nous croyons pouvoir assurer que le burin & le coloris de M. Martinet ont rendu les copies fort supérieures aux dessins originaux. Il semble que l'Artiste, qui s'est fait tant d'honneur dans l'Histoire Naturelle des Oiseaux, se soit surpassé dans un genre encore plus difficile (p. 2).
Le texte contient des observations et des détails sur l'empire chinois, son gouvernement, les mœurs et la religion de ses habitants, etc., ainsi qu'une courte notice sur ces poissons. Il s'arrête à la p. 32, malgré la réclame «Sans» placée à la fin de celle-ci, et rien d'autre n'a été imprimé comme l'indique Cuvier dans son Histoire naturelle des poissons (1842, t. XVI, pp. 113-114): Il n'a paru de cet ouvrage que le commencement des planches, et très peu de pages de texte.
Le poisson doré, dit aussi carassin doré (Carassius auratus, Linné) ou poisson rouge, nommé kin-yu en chinois et goldfish en anglais, est une espèce proche de la carpe mais beaucoup moins trapue que celle-ci et sa bouche est dépourvue de barbillons.
Domestiquée en Chine au Xe siècle, elle fut de tout temps recherchée par les empereurs et les hauts dignitaires chinois en raison de sa beauté et sa diversité de formes. Elle fut introduite en Europe par les Portugais au cours du XVIIe siècle. Les premiers spécimens connus en France furent débarqués au siècle suivant à Lorient et on dit que les directeurs de la Compagnie des Indes françaises en offrirent quelques-uns à la marquise de Pompadour.
Les poissons rouges évoluaient à l'origine dans des viviers et des bassins d'ornements et leur taille devait être proportionnelle à leur environnement. Ce n'est qu'au XVIIIe siècle, semble-t-il, que débuta la mode du poisson rouge en bocal comme en témoigne une toile de l'époque conservée au Louvre et intitulée Singe, chien et enfant au bocal de poissons rouges. Horace Walpole possédait un bocal de poisson rouge en porcelaine chinoise; sa chatte Selima s'y noya d'ailleurs en février 1747, épisode qui inspira en 1748 à Thomas Gray une Ode on the Death of a favourite Cat drowned in a Tub of Gold-fishes. L'aquariophilie moderne se développa plus tard, au XIXe siècle.
Seuls 4 ou 5 exemplaires de ce très beau livre consacré à des poissons asiatiques, d'un grand intérêt zoologique et artistique, seraient répertoriés dans les fonds publics.
L'exemplaire ne contient pas les six dernières planches du recueil (n°43 à 48) et se présente dans un cartonnage d'attente, avec petits manques.
Partager