Lot n° 515
Sélection Bibliorare

PÉGUY, Charles. L’Argent.L’Argent suite. Paris, Les Cahiers de la Quinzaine, 1913.

Estimation : 6 000 - 8 000 €
Adjudication : 10 400 €
Description
UN DES QUINZE EXEMPLAIRES DE TÊTE IMPRIMÉS SUR WHATMAN, SEUL GRAND PAPIER.

TEXTE ESSENTIEL D’UN MÉCONTEMPORAIN.

ÉDITION ORIGINALE
2 volumes in-12 (189 x 130mm).

TIRAGE :
Un des 15 exemplaires de tête imprimés sur Whatman, seul grand papier.

─ RELIURES UNIFORMES SIGNÉES D’ALIX.
Dos et coins de maroquin grenat, plats de papier marbré, tranches supérieures dorées, couvertures et dos conservés.
Étui.

─ NOTE AUTOGRAPHE DE FRANÇOIS MITTERRAND :
“Charles Péguy, L’Argent, 2 vol. 15.000 (fr.) chez Loliée 21 janv. 1988”.

François Mitterrand avait ses relieurs de prédilection. À la fin de juin 1995, il se rendit chez le relieur Jean-Bernard Alix, rue Saint-André-des-Arts :

“l’ancien Président vient déposer les quatre volumes d’une édition récente, mais originale et luxueuse, de la Correspondance de Charles Péguy avec Alain-Fournier et Jacques Rivière. Comme à chacune de ses visites, deux fois par an, François Mitterrand caresse du regard l’œuvre intégrale de Zola, en éditions originales, qui emplit une bibliothèque à droite de la porte. Puis il fait son choix. Habitué aux reliures jansénistes, maroquins à cinq nerfs, peaux bleu marine, noires ou rouges, il ne s’écarte pas de ses habitudes : pour la correspondance Fournier-Rivière, ce sera un demi-maroquin. “Dans un rouge qui tient”, précise-t-il en hésitant quelques secondes entre un papier peigné ou caillouté. Puis il converse encore un peu, sous les boiseries du plafond bas, à côté de la monumentale presse à bras. “Je recherche aussi les livres pour l’objet livre, précisait-il dix-sept ans plus tôt. J’avoue même que le plaisir que j’ai de lire tient pour une part à la satisfaction que m’apporte le filet de la couverture ou le caractère typographique”. Et ce qu’il aimait beaucoup à Venise, aussi, c’était cette société qui “veillait spécialement sur l’imprimerie, la beauté du papier, la fonte des caractères, la correction des épreuves, sur tout ce qui pouvait contribuer à la perfection des nouvelles éditions”. Mitterrand, comme à chacune de ses visites, demeure vingt minutes en compagnie des Alix. Puis il s’en va. Il ne verra jamais ses quatre volumes reliés”. (C. Barbier).

Ces reliures d’Alix sur L’Argent et sa suite, en demi-maroquin rouge, ont donc de toute évidence était commandées par François Mitterrand.

Dans son discours du Congrès d’Épinay (juin 1971), François Mitterrand dénonçait “toutes les puissances de l’argent, l’argent qui corrompt, l’argent qui achète, l’argent qui écrase, l’argent qui tue, l’argent qui ruine, et l’argent qui pourrit jusqu’à la conscience des hommes !”.

Quelques décennies plus tôt, le grand Péguy visionnaire constatait le “monstrueux affolement de la mécanique” de l’argent : “Par on ne sait quelle effrayante aventure, par on ne sait quelle aberration de mécanisme, par un décalage, par un dérèglement, par un monstrueux affolement de la mécanique, ce qui ne devait servir qu’à l’échange a complètement envahi la valeur à échanger” (in Œuvres posthumes).

Le style si particulier de Péguy usant de la répétition et des suites d’adjectifs, jaillit à intervalles réguliers, terrible de colère et de vérité :

“il n’y avait pas cet étranglement économique d’aujourd’hui, cette strangulation scientifique, froide, rectangulaire, régulière, propre, nette, sans une bavure, implacable, sage, commune, constante, commode comme une vertu, où il n’y a rien à dire, et où celui qui est étranglé a si évidemment tort” (L’Argent, p. 15).

RÉFÉRENCES :
• Charles Péguy, Œuvres complètes, III, Paris, 1992.
• Ch. Barbier, Les derniers Jours de François Mitterrand, Paris, 2011, p. 101.
• Lire, septembre 1978.
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