Lot n° 316

HUGO Victor [Besançon, 1802 Paris, 1885], poète et écrivain français

Estimation : 1 500 - 2 000 EUR
Adjudication : Invendu
Description
Lettre autographe, signée «Victor Hugo», adressée à Eugène Pelletan. «Hauteville house 2 avril»; 2 pages in-8°.
«Vous m'avez envoyé votre livre dans mon exil, je vous envoie le mien dans votre prison.
Ces échanges-là sont tous simples dans notre temps entre deux hommes qui ont voulu rester debout. C'est votre faute comme c'est la mienne. Pourquoi avons-nous voulu être fidèle à la liberté, et à nous-mêmes ? En somme, je trouve cela bien ainsi. [...] au Sénat, Pelletan en prison. Puisse mon livre vous rendre un peu du bonheur que m'a fait le vôtre.
Avoir mis cette mère de Marguerite dans la naissance d'une ville, c'est une idée pathétique, vous mêlez les vieilles moeurs aux nouvelles, et vous en faites jaillir le drame. Marguerite [...] quelles figures ! L'émotion est profonde et vraie. Quelles pages tour à tour gaies et splendides, et quel irrésistible mélancolie dans ce calme de la fin ! Encadrer toutes ces douleurs dans l'idée de progrès, c'est une haute pensée. Vous m'avez nommé deux fois dans cette belle oeuvre; cher poète, je ne vous en remercie pas, je vous aime. [...] Au moment même où votre oeuvre vous fait glorieux, la persécution vous fait populaire. Je vous envoie du fond du coeur, mon plus fraternel serrement de main.
Victor Hugo.»
On cherchait un prétexte pour poursuivre Eugène Pelletan. Il fut fourni, le 3 novembre 1861, par un long article de six colonnes: La liberté comme en Autriche. Pelletan y posait le paradoxe que représentait le spectacle de l'Autriche, symbole même de l'absolutisme en Europe, à l'intérieur duquel l'empereur François-Joseph introduisait des réformes libérales, et de la France, patrie de la liberté, soumise à l'omnipotence de Napoléon III. Poursuivi pour "excitation à la haine et au mépris du gouvernement", il fut condamné à trois mois de prison et 2000 francs d'amende.
La somme était lourde, et Eugène Pelletan peu fortuné. Il lui fallut vendre sa bibliothèque. L'opposition au régime, cependant, commençait à se répandre, notamment parmi les étudiants, aux yeux desquels Eugène Pelletan faisait figure de maître. Aussi les volumes de sa bibliothèque furent-ils achetés à fort prix et, dès le lendemain... restitué !
La prison politique, sous le second Empire, n'était pas désagréable. Elle présentait même l'avantage de fournir un certificat indiscutable de républicanisme
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