Lot n° 57
Sélection Bibliorare

François René vicomte de CHATEAUBRIAND (1768 1848)

Estimation : 3 000 - 4 000 EUR
Adjudication : 2 800 €
Description
Manuscrit autographe (brouillon très corrigé), 1 p. in-4.
Magnifique page sur l'écriture et l'art épistolaire. Brouillon très travaillé, pour son Essai sur la littérature anglaise et considérations sur le génie des hommes, des temps et des révolutions. Correspondant au chapitre «Romans. Tristes vérités qui sortent des longues correspondances. Style épistolaire». Les mots, comme jaillis, sont jetés énergiquement sur le papier avant d'être biffés d'un trait de plume ou corrigés, donnant au manuscrit une esthétique particulièrement puissante.
«D'abord les lettres sont longues [ajout «vives», dans la version imprimée], et multipliées; le jour n'y suffit pas: on écrit au coucher du soleil; on trace quelques mots au clair de [ajout «la»] lune, chargeant la [sa] lumière chaste, silencieuse, [et] discrète, de couvrir de sa pudeur mille désirs. On s'est quitté à l'aube; à l'aube on épie la première clarté pour écrire ce que l'on croit avoir oublié de dire [ajout «dans des heures de délice»]. Mille serments couvrent le papier, où se reflètent les roses de l'aurore; mille baisers sont déposés sur les mots [ajout «brûlants»] qui semblent naître du premier regard du soleil: pas une idée, une image, une rêverie, un accident, une inquiétude qui n'ait sa lettre» [suivent 5 lignes entièrement biffées].
Le second paragraphe est très travaillé, avec des renvois en marge; il correspond au texte suivant: «Voici qu'un matin quelque chose de presque insensible se glisse sur la beauté de cette passion, comme une première ride sur le front d'une femme adorée. Le souffle et le parfum de l'amour expirent dans ces pages de la jeunesse, comme une brise le soir s'endort sur des fleurs: on s'en aperçoit, et l'on ne veut pas se l'avouer. Les lettres s'abrègent, diminuent en nombre, se remplissent de nouvelles, de descriptions, de choses étrangères; quelques-unes ont retardé, mais on en est moins inquiet; sûr d'aimer et d'être aimé, on est devenu raisonnable; on ne gronde plus, on se soumet à l'absence. Les serments vont toujours leur train; ce sont toujours les mêmes mots, mais ils sont morts; l'âme y manque»
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