Lot n° 19
Sélection Bibliorare

BAUDELAIRE Charles (1821-1867) — Lettre autographe signée adressée à Auguste POULET-MALASSIS — S.l., jeudi 11 novembre 1858. — 3 pages in-8 à l'encre sur papier.

Estimation : 7000 - 8000
Adjudication : 15 600 €
Description
♦ Exceptionnelle lettre adressée à Auguste Poulet-Malassis, éditeur des Fleurs du Mal.

«[...] Mon cher ami, j'ai reçu vos remerciements, et ils m'ont étonné. Je voulais absolument vous être agréable en vous envoyant un morceau inédit, que je voulais ajouter simplement aux pièces que j'accumule pour un journal quelconque, et je ne croyais pas que ce misérable sonnet put ajouter quelque chose à toutes les humiliations que les Fleurs du mal vous ont fait subir. Je voulais vous être agréable, rien de plus, et je ne peux pas comprendre en quoi j'ai mérité tant d'injures, à ce point que vous me compariez au Béranger secret, comme a fait Veuillot. Il est possible, après tout, que la tournure subtile de votre esprit vous ait fait prendre Belzébuth pour le Con et le poignard charmant pour la pine. Quand j'ai fait cette découverte, j'ai bien ri. En somme tout cela est bien léger. La seule chose grave, qui y est contenue, est cette faculté mystérieuse qui vous pousse à injurier vos amis, avec d'autant plus d'audace qu'ils sont plus intimes et plus anciens. Aussi quand je vous voir faire une connaissance nouvelle, je suppute en moi-même dans combien d'années elle sera digne d'être injuriée par vous. Michel Lévy a aussi une propension singulière de ce genre; mais au moins a-t-il le mérite d'être bête. Il y a encore De Broise disant à Banville : Le préfet d'Alençon nous a demandé pourquoi nous publions des bêtises comme les Odes. Un autre que vous, un esprit raisonnable, aurait écrit : je vous sais gré de votre cadeau, mais votre talent est compromettant pour un journal de province. Seulement, si vous aviez écrit cela, vous n'auriez pas suffisamment brillé à vos propres yeux. Il fallait assaisonner cette lettre d'une masse d'impertinences pour un de vos vieux amis qui ne peut pas avoir de querelles avec vous. Croyez que si je me moque un peu de vous, c'est pour votre bien. Un de ces jours, il vous arrivera un malheur, pas par moi, bien entendu. Je vous assure que j'ai bien souffert souvent de cette tournure maladive de votre esprit, et je connais bien d'autres individus qui ne sachant pas ce qu'il y a de louable en vous, vous ont pris simplement pour ce que vous n'êtes pas, pour un homme mal élevé ! Maintenant cherchez moi querelle, si vous voulez. Ouf ! J'ai fini et j'ai accompli mon Devoir. Tout à vous, Ch. Baudelaire. Présentez mes respects à votre mère J'ai reçu votre jolie épître hier soir à minuit. J'étais absent de mon quartier depuis quelques jours».

♦ Lettre exceptionnelle.

Signed autograph letter addressed to Auguste POULET-MALASSIS S.l., Thursday, November 11, 1858. 3 pages in-8 in ink on paper. Exceptional letter addressed to Auguste Poulet-Malassis, publisher of Les Fleurs du Mal. "[...] My dear friend, I received your thanks, and they astonished me. I absolutely wanted to please you by sending you an unpublished piece, which I simply wanted to add to the pieces I am accumulating for some newspaper, and I did not believe that this miserable sonnet could add anything to all the humiliations that the Flowers of Evil have made you suffer. I wanted to be pleasant to you, nothing more, and I cannot understand why I deserved so many insults, so much so that you compare me to the Secret Beranger, as Veuillot did. It is possible, after all, that the subtle turn of your mind made you think Beelzebub was the Con and the Charming Dagger was the Pine. When I made that discovery, I laughed. All in all, it's all very light. The only serious thing, which is contained in it, is this mysterious faculty which pushes you to insult your friends, with all the more audacity as they are more intimate and older. So when I see you making a new acquaintance, I guess in myself how many years from now it will be worthy of being insulted by you. Michel Lévy also has a singular propensity of this kind; but at least he has the merit of being stupid. There is also De Broise saying in Banville: The prefect of Alençon asked us why we publish such nonsense as the Odes. Another than you, a reasonable mind, would have written: I am grateful for your gift, but your talent is compromising for a provincial newspaper. Only, if you had written that, you would not have shone sufficiently in your own eyes. It was necessary to season this letter with a mass of impertinence for an old friend of yours who cannot have quarrels with you. Believe me, if I mock you a little, it's for your own good. One of these days something bad will happen to you, not by me, of course. I assure you that I have often suffered from this sickly turn of your mind, and I know many others who, not knowing what is praiseworthy in you, have taken you simply for what you are not, for an ill-bred man! Now quarrel with me, if you will. Phew! I have finished and fulfilled my duty. All yours, Ch. Baudelaire. Pay my respects to your mother. I received your lovely epistle last night at midnight. I had been away from my neighborhood for a few days". Exceptional letter.
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