Description
Belle et longue lettre à sa mère.
Baudelaire demande à sa mère de lui avancer de l'argent avant que paraissent ses articles sur L'Esprit et le style de M. Villemain (restés à l'état de projet), pour payer son maître d'hôtel.
«Je t'assure qu'il n'y a pas de désordre dans ma vie. L'ordre y prend chaque jour un peu plus de place. Je suis triste, résigné à tout, même à souffrir jusqu'à la fin de ma vie, résigné au conseil judiciaire et décidé à faire simplement tout ce que je dois faire pour le faire détruire.
- Je vais avoir quatre vol. à publier cette année. Je parierais que ces quatre vol. passeront inaperçus. On ne me rend pas justice. [...] Les Poëmes en prose passeront aussi à la Presse. 1000 francs ! mais, hélas ! ce n'est pas fini. Les Dandies littéraires passeront à la Presse. Peut-être aussi les Peintres philosophes. Il faut rester à Paris pour finir tout cela. Et puis pour conclure. Je crois qu'Hetzel m'achètera la réimpression, en volume, des Poëmes en prose. L'argent de tout cela est distribué à l'avance. J'ai encore deux autres ressources, mais moins sûres que le travail. Comme il faut des années de fatigue et de châtiment pour apprendre les vérités les plus simples, par exemple que le travail, cette chose si désagréable, est l'unique manière de ne pas souffrir, ou de moins souffrir de la vie ! [...]». Baudelaire parle alors de FLAUBERT qui termine Salammbô :
«Dernièrement j'ai lu chez Flaubert quelques chapitres de son prochain roman; c'est admirable; j'en ai éprouvé un sentiment d'envie fortifiante. HUGO va publier ses Misérables, roman en dix vol. Raison de plus pour que mes pauvres volumes, Eureka, Poëmes en prose et Réflexions sur mes contemporains ne soient pas vus. Avoir plus de quarante ans, payer mes dettes et faire fortune par la littérature, dans un pays qui n'aime que les vaudevilles et la danse ! quelle atroce destinée !».
Baudelaire reste encore à Paris pour finir ses «recherches sur les peintres et les graveurs», mais il espère, à Honfleur, «trouver, inventer des formes nouvelles pour des ouvrages de pure imagination [...]». Il enverra avant son arrivée à Honfleur «une nouvelle caisse de tableaux et de gravures (c'est mon seul amusement)». Il ajoute qu'il attend «depuis 17 semaines» les épreuves de son article pour L'Illustration : «Je suis désolé d'avoir donné ce travail important à un journal à images. On ne lit pas ces journaux-là. Mais dans ce moment-là, je ne savais où me fourrer». Et il craint d'avoir bientôt «des manuscrits dans 5 ou 6 endroits», qui risquent d'être retardés par la discussion du Budget...
RÉFÉRENCES :
Correspondance (éd. Claude Pichois), Bibl. de la Pléiade, t. II, p. 236.
PROVENANCE :
•Anciennes collections Armand GODOY (1982, n° 159), puis
•Daniel SICKLES (IV, 1039).
Signed autograph letter addressed to his mother, Mrs. Caroline AUPICK [Paris], March 29, 1862. 6 pages in-8 in brown ink on paper filled with tight handwriting. Beautiful and long letter to his mother. Baudelaire asks his mother to advance him money before his articles on L'Esprit et le style de M. Villemain (still in draft form), to pay his maître d'hôtel. "I assure you that there is no disorder in my life. Order takes up a little more space every day. I am sad, resigned to everything, even to suffer for the rest of my life, resigned to the judicial council and determined to simply do whatever I have to do to have it destroyed. - I'm going to have four vol. to publish this year. I'll bet all four will go unnoticed. I'm not getting justice. ...Prose Poems will also go to press. 1,000 francs! But, alas, it's not over yet. The Literary Dandies will be published in the press. Perhaps the Philosopher Painters. We have to stay in Paris to finish all that. And then to conclude. I think Hetzel will buy me a reprint, in volume, of the Prose Poems. The money for all this is distributed in advance. I still have two other resources, but they're not as secure as the work. How it takes years of fatigue and punishment to learn the simplest truths, for example that work, that unpleasant thing, is the only way not to suffer, or to suffer less from life! [...]». Baudelaire then talks about FLAUBERT who finishes Salammbô: "Recently I read a few chapters of Flaubert's next novel; it's admirable; I felt a strengthening feeling of envy. HUGO is going to publish his Misérables, a novel in ten volumes. All the more reason why my poor volumes, Eureka, Poëmes en prose and Réflexions sur mes contemporains should not be seen. To be over forty, to pay my debts and make my fortune through literature, in a country that loves only vaudeville and dance! What an atrocious destiny!". Baudelaire is still in Paris to finish his "research on painters and engravers", but in Honfleur he hopes to "find and invent new forms for works of pure imagination [...]". Before his arrival in Honfleur, he will send "a new box of paintings and engravings (this is my only fun)". He adds that he has been waiting "for 17 weeks" for the proofs of his article for L'Illustration: "I am sorry to have given this important work to a picture newspaper. We don't read those newspapers. But at the time, I didn't know what to get myself into". And he fears that he will soon have "manuscripts in 5 or 6 places", which may be delayed by the discussion of the Budget... REFERENCES Correspondence (ed. Claude Pichois), Bibl. de la Pléiade, t. II, p. 236. PROVENANCE Anciennes collections Armand GODOY (1982, n° 159), then Daniel SICKLES (IV, 1039).