Lot n° 60
Sélection Bibliorare

BAUDELAIRE (Charles). Lettre autographe signée « Charles » à sa mère. Paris, 23 [août] 1838.

Estimation : 1 500 - 2 000 EUR
Adjudication : 10 500 €
Description

3 pp. in-8, en-tête lithographié de l'état-major général de la 1re division militaire, adresse au dos ; manque marginal due à l'ouverture avec atteinte à quelques lettres ; document placé dans un portefeuille de maroquin bordeaux, dos lisse, armoiries de la ville de Toulouse dorées sur le premier plat, doublures de moire bordeaux. Rare lettre de jeunesse de Baudelaire, alors âgé de dix-sept ans. Son année de seconde achevée, il fut invité à rejoindre sa mère et son beau-père en cure à Barèges. Il y resta deux semaines, à la fin du mois d'août et au début de septembre, et y fit des promenades montagnardes, dont une au lac d'Escoubous qui lui inspirera le poème « Incompatibilité ».
Il utilise ici le papier à en-tête de son beau-père, futur général et ambassadeur, alors colonel et chef d'état d'état-major de la 1ère division militaire. « Je vais partir tout à l'heure ; j'ai tardé jusqu'à présent à vous écrire pour vous apprendre le résultat de la distribution des prix. Rien au concours. Au collège j'ai eu deux premiers prix, le premier prix de vers latins, et de discours français : le 1er accessit de version latine, et puis un autre accessit en discours latin que je ne me rappelle pas. L'on m'a donné les mélanges de Villemain et son cours de littérature sur le 18[e] siècle. Maintenant l'impatience me brûle : la malle est faite ; je ne sais combien je resterai de temps en voyage ; mais à coup sûr ce sera toujours trop long. Bien loin de m'effrayer parce que je serai en voyage tout seul, j'en suis content, heureux : me voilà obligé de faire l'homme, de me surveiller ; d'écrire ma dépense, prévoir les curiosités, monter les côtes, me promener à Toulouse, j'ai toutes les peines du monde à ne pas crier partout que je suis content. À propos de Toulouse, si le général Durrieux [Antoine-Simon Durrieu, dont Jacques Aupick avait été aide de camp] ne s'y trouve pas, je suis bien décidé à coucher à l'auberge ; j'aime bien mieux cela que coucher dans une maison que je connais, et où il faudra causer et faire l'aimable ; le général Durrieux sera probablement aux eaux. Je voudrais bien remercier papa mais comment ? Je suis bien heureux. Faire un voyage pendant les vacances : voilà ce que je désirais depuis longtemps et voilà que c'est arrivé : ma lettre est écrite en dépit du bon sens ; mais je suis pressé, et si joyeux. J'emporte quelques livres : je ne pouvais parvenir à remplir ma malle ; je l'ai bourrée avec du vieux papier, avec mon manteau et des habits de gymnastique. Adieu, chère maman ; je vais vous arriver dans quelques jours, avec de l'expérience, couvert de poussière, et fou de joie. Embrasse bien papa pour moi, c'est pour le coup qu'il faut l'embrasser... »
Provenance : Georges Pompidou (vignette ex-libris). Cette pièce lui fut offerte par la ville de Toulouse quand il y vint inaugurer Concorde.

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