Lot n° 63

Lespinasse (Julie de) et Jean Le Rond d'alembert. Manuscrit autographe de mademoiselle de Lespinasse, avec ratures et corrections autographes de d'Alembert, intitulé « chap. Xvi. Que ce fut une bonne journée que celle des pots cassés ? ». 12 pp....

Estimation : 1.500 / 2.000
Adjudication : 8 800 €
Description
in-4, traces d'onglets. un éPisode comPlet de son suPPlément au voyage sentimentaL de laurence sterne, écrit dans le style de celui-ci. un court récit qui met en scène la célèBre madame geoffrin, dont il illustre la générosité en relatant un bienfait envers sa crémière : cette crémière, avec des parents et un mari handicapé à charge, venait de perdre la seule vache qu'elle avait. Madame Geoffrin lui en acheta deux autres, et se sentit dès lors obligée de continuer à lui acheter une crème qu'elle trouvait pourtant fort mauvaise. Il est à noter que Mademoiselle de Lespinasse avait d'ailleurs pu bénéficier elle-même de la générosité de Madame Geoffrin, celle-ci l'ayant aidée à installer son propre salon après sa rupture avec la marquise du Deffand. d'alemBert vanta les mérites de ce Brillant morceau d'imitation, dans une lettre à Jean-Baptiste Suard, le trouvant « charmant et meilleur que beaucoup de ceux que M. de La Fresnay a traduits » (la première version française du Voyage sentimental, par Joseph-Pierre Frenais, avait paru en 1769). Deux chapitres du Supplément de mademoiselle de Lespinasse, dont celui-ci, firent l'objet d'une publication, d'abord dans les ^uvres posthumes de d'Alembert (1799, volume II, où ils sont numérotés XV et XVI), puis dans l'édition originale des Lettres de mademoiselle de Lespinasse (1809, volume II). manuscrit Portant Plusieurs Passages corrigés de la main de d'alemBert : celui-ci propose des solutions simplifiées et élégantes à des formulations parfois embrouillées, et apporte des corrections de langage et de style. Dans la transcription ci-dessous, sont indiqués en italiques les passages de la main de mademoiselle de Lespinasse, et en romains ceux de la main de d'Alembert : « ... - Tu as raison, mon cher Trim, je laisserai parler d'amusement mon frère Shandi et je me contenterai d'avoir du plaisir à sentir mon âme émue des maux de nos amis. - Oui, reprit Trim, ce sont tous les malheureux et nous et nous n'en manquerons jamais... Ö mon cher oncle Tobi, je n'ai pas l'âme aussi bonne, aussi douce que toi ; cependant, je l'avouerai, je n'écoute avec intérêt que ce qui parle à mon âme ; je ne louai jamais un trait d'esprit, mais j'ai toujours une larme à donner au récit d'une bonne action, ou a un mouvement de sensibilité, ce sont les seules touches qui répondent à mon creur... Hé, qu'il fut doucement et délicieusement émut par ce qui se passa après diner......- Je dirai à tous mes compatriotes, allés en France, allés voir Mde G... vous verrés la bienfaisance, la bonté, vous verrés ces vertus dans leur perfection, parce que vous les trouverés acompagnées d'une délicatesse qui ne peut venir que d'une âme dont la sensibilité a été perfectionnée par l'habitude de la vertu. Ho, l'excellente femme que vous connaitrés, allés, mes amis, faites le voyage de Paris, et à votre retour si vous m'aprenés que vous avés vu ou que vous avés connu cette respectable dame, je ne m'informerai plus si vous avés eu du plaisir à Paris, si vous êtes bien aises d'avoir été en France ; pour moi je n'y ai connu le bonheur que d'aujourd'hui... » Personnalité éminente du Paris intellectuel du siècle des lumières, mademoiselle de lesPinasse (1732-1776) fut d'abord la protégée de Madame Du Deffand, et tint elle-même ensuite un des plus célèbres salons de son temps, fréquenté par ses amis d'Alembert, Condorcet, Condillac, Marmontel ou Turgot. Personnalité ardente, elle fut l'amante malheureuse du marquis de Mora et du comte de Guibert, et leur adressa des lettres pathétiques et enflammées dignes des Lettres portugaises ou de La Nouvelle Héloïse. Diderot l'évoqua dans Le Rêve de d'Alembert.
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