Lot n° 9

BRESSE, Dombes et pays de Gex. – COLLET (Philibert) — Manuscrit intitulé Critiques sur l'Histoire de Bresse des deux Guichenons. » XVIIIe siècle. In-folio, (20)-227 pp., basane brune marbrée, dos à nerfs cloisonné et fleuronné, pièce de titre grenat, cou

Estimation : 800 - 1000 €
Description
Personnalité éminente de la Dombes, l'historien, théologien, botaniste et magistrat Philibert Collet (1643-1718) était issu d'une famille notable de Châtillon-lès-Dombes, aujourd'hui Châtillon-sur-Chalaronne dans le département de l'Ain. Il étudia au collège jésuite de Lyon où il fut l'élève des Pères Ménestrier et La Chaise, fit profession dans cet Ordre, et demeura six ans professeur dans les maisons de Dôle et de Roanne. Son frère ainé étant mort en 1668, il dut quitter l'habit ecclésiastique et, après un court séjour en Angleterre où il découvrit des penseurs comme Hobbes, il entreprit une carrière juridique : il fut avocat puis substitut du procureur général au Parlement de Dombes (1673-1695) et juge au comté de Châtillon. Il épousa une petite-nièce de l'historien Samuel Guichenon, d'une autre famille notable de la région, et devint maire de sa ville natale qu'il fit profiter de ses bonnes relations avec la princesse de Dombes. Homme ombrageux, querelleur, il soutint diverses polémiques intellectuelles (par exemple avec le Père Ménestrier), théologiques (ce qui lui valut d'être excommunié par l'archevêque de Lyon) ou privées (d'où divers procès). Philibert Collet écrivit de nombreux ouvrages, certains demeurés inédits sur l'histoire de Bresse, de Dombes ou de Lyon, d'autres publiés comme ses essais théologico-juridiques. Esprit curieux, il consacra ses loisirs à la botanique, qu'il étudia un temps à Paris auprès de Joseph Pitton de Tournefort, et publia un traité sur la flore des environs de Dijon où il herborisa. Il laissa également un poème latin pour chanter sa ville natale. Cf. Charles Jarrin, « La Bresse au xviie siècle. Philibert Collet », dans Annales de la Société d'émulation [...] de l'Ain, Bourg, juillet 1871, pp. 201-311. Une contribution à l'histoire de Bresse, de Dombes et de Gex : ses critiques sur les travaux des deux Guichenon.
Samuel Guichenon avait publié en 1650 une Histoire de Bresse et de Bugey qui fut Samuel Guichenon avait publié en 1650 une Histoire de Bresse et de Bugey qui fut prolongée en 1709 par un neveu, Germain Guichenon, dans une Histoire des révolutions du comté de Bresse : ces deux ouvrages formaient à la fin du xviie siècle le seul corpus historiographique d'envergure sur le sujet. Pour rédiger son Explication des statuts, coutumes et usages observés dans la province de Bresse, Bugey, Valromey et Gex (publiée en 1698), Philibert Collet alla à Dijon travailler sur les registres de la Cour des Aides et sur les livres de la bibliothèque du président Bouhier, et découvrit alors des informations de première main contradictoires avec maints passages des ouvrages des deux Guichenon. Il en vint à considérer que Samuel Guichenon avait suivi aveuglément ses devanciers, qu'il s'était montré partial en étant « en quelque manière engagé à diminuer cette souveraineté [de Dombes], pour en augmenter celle de Bresse » (épître dédicatoire), et même qu'il s'était rendu coupable de forgerie vénale dans la rédaction de la partie nobiliaire : « il n'a pas pu résister aux sollicitations et aux présents des intéressés, il n'a refusé la noblesse qu'à ceux qui ne l'ont pas prétendue, ou qui ne l'ont pas payée » (p. 150). Philibert Collet explique ici dans sa dédicace au premier président du parlement de Dombes, Benoît de Cachet de Montézan, comte de Garnerans, que c'est à la demande de son père Claude de Cachet de Montézan, qu'il entreprit de rédiger le présent traité.
En 1714, âgé, il en remit le manuscrit à son ami l'abbé Philibert Papillon (comme celui-ci le raconte dans sa Bibliothèque des auteurs de Bourgogne) afin de le faire imprimer à Dijon, mais Philibert Collet mourut en 1718 et cette mission ne fut pas remplie. L'ouvrage connut cependant une certaine diffusion locale sous forme de copies manuscrites, principalement en raison de ses chapitres sur la vraie et fausse noblesse de Bresse, de Dombes et de Gex. En 12 chapitres ou « critiques », Philibert Collet aborde ici successivement des points de géographie, d'histoire féodale, institutionnelle, coutumière, ecclésiastique, concernant la Bresse, le Bugey, le pays de Gex, et, d'après ses propres recherches dans les registres de la Cour des Aides de Dijon, il passe au crible le nobiliaire de ces provinces tel qu'établi par les deux Guichenon (« 11e critique », pp. 111-166). Le présent manuscrit comporte en outre une « Lettre de monsieur Dutour à monsieur Colet au sujet de la noblesse » (pp. 167-182), probablement de Jacques Du Tour-Vulliard, lieutenant-général de Bourg, élu de la noblesse en Bresse ou peut-être son fils Jacques-Marie, qui fut chancelier de Dombes. D'autres copies connues sont parfois encore augmentées d'autres textes annexes, comme une lettre à Jacques Brossard de Montaney, conseiller au présidial de Bourg et poète, ou des lettres du Père Ménestrier. « Collet (Philibert) [...], jurisconsulte & homme libre » (Voltaire, Le Siècle de Louis XIV).
Voltaire, qui devint seigneur de Ferney dans le pays de Gex en 1758, avait découvert les ouvrages de Philibert Collet en travaillant, de 1728 à 1751, à la rédaction de son ouvrage Le Siècle de Louis XIV. La méthode rationnelle revendiquée par son devancier, l'audace de ses attaques contre la clôture des religieuses, contre l'excommunication, contre la dîme, trouvèrent chez lui des échos évidents, de même que certaines des idées exprimées dans les présentes Critiques. Pour la préséance de la noblesse personnelle sur la noblesse héréditaire. Philibert Collet dénonce ici l'inégalité des conditions sociales acquises, fait la liste des hommes qui, en Bresse et en Dombes se sont illustrés par la vertu ou le talent (« 9e critique », pp. 93-100), et propose un court traité de la noblesse (« 10e critique », pp. 101-109) dans lequel il affirme que la noblesse personnelle est « la plus belle » : « c'est celle-là qui est uniquement connue par toutes les nations du monde, et la seule à laquelle tous les hommes devroient aspirer, et qu'on devroit leur proposer dès leur jeunesse » (pp. 101-102). Contre la barbarie du servage. Le système juridique de la « mainmorte », dernier vestige du servage sous l'Ancien Régime, donnait au seigneur le droit d'« échute », c'est-à-dire de se voir attribuer tous les biens d'un serf mort sans héritier direct. Philibert Collet dénonce ici cette pratique (« un homme chrétien... ne se peut pas vendre, et un chrétien ne peut pas l'acheter », p. 63), bien avant que Voltaire ne défende lui-même en janvier 1778 les paysans soumis à la mainmorte de l'abbaye de Saint-Claude dans le Jura.
Provenance : Jean-Philibert Peysson de Bacot, procureur général à la Cour des Monnaies de Lyon (vignette ex-libris armoriée). Sa bibliothèque fut dispersée dans une vente aux enchères en 1779, mais le présent manuscrit ne figure pas dans le catalogue qui en fut publié à cette occasion.
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