Lot n° 23

GIDE André. MANUSCRIT autographe, Fez avril 1935 ;

Estimation : 1500 / 1800
Adjudication : 1 800 €
Description
4 pages in-4 sur papier quadrillé de cahier d'écolier. REFLEXIONS AMERES SUR PERSEPHONE, son mélodrame en 3 tableaux pour ténor, chreur mixte et orchestre, musique de STRAVINSKY [1re representation par les ballets d'Ida Rubinstein le 30 avril 1934, à l'Opéra de Paris]. Le manuscrit présente quelques ratures et corrections. Gide a marqué au dos, deux fois : “à dactylographier”. Il allait de soi que cette interprétation risquait de fiche la pièce par terre : “Perséphone ne se pouvait plus défendre et sauver que par la grande beauté de la musique ; ce n'était plus un drame, mais une symphonie avec chreurs et les paroles importaient d'autant moins que STRAVINSKY, par une théorie fort défendable, avait pris soin de n'en tenir compte que pour le rythme des syllabes. Soucieux d'éviter tout pittoresque, il établissait son développement musical indépendamment de l'action. Celle-ci, dès qu'elle n'était plus apparente, ne pouvait être comprise que si l'on comprenait parfaitement les paroles”... Il savait par l'expérience d'Antoine et Cléopâtre que les paroles ne passeraient pas la rampe, malgré les assurances d'Ida RUBINSTEIN, et qu'il fallait soutenir les mots par les gestes et la mise en scène. “Mes indications étaient simples. Il n'eut fallu que les suivre, s'y confirmer et s'y tenir. “Une prairie au bord de la mer” [...]. C'était trop simple et cela ne faisait l'affaire ni d'Ida, ni de COPEAU, ni du décorateur, ni de Stravinsky lui-même qui se plaisait à me redire : “ce qui me platt dans votre pièce, c'est sa gravité religieuse. J'y vois la célébration d'un mystère déjà presque chrétien. Je veux en faire comme une messe.” Les idées de Copeau allait donc parfaitement dans son sens ; il ne s'agirait plus de représenter le drame lui-même, mais une célébration mystique et symbolique de ce drame, tout comme la messe est une commémoration de la passion du Sauveur”... Lors de sa première réunion avec Ida, Copeau et le décorateur Barsacq, Copeau imposa son idée qui agréait à tous, sauf à Gide. “La protestation me parut vaine. Ajoutez à cela que ma tendre et fervente amitié pour Copeau me retenait de le contrecarrer [...]. Je lâchai prise ; m'écriai en riant (le mieux n'était-il pas d'en rire) : “Je vois ce que c'est : je suis joué !” Et, conscient du désastre, fis ma valise et courus chercher à Syracuse le vrai décor de Perséphone, abandonnant la pièce à son sort et le mythe grec au catholicisme”... Il évoque avec frustration ses discussions préalables avec Ida Rubinstein, et le moment terrible de la représentation où Perséphone, se réveillant dans le décor inchangé de la cathédrale, s'écria “Où suis-je ?” : “le public partit d'un joyeux éclat de rire (m'a-t-on dit). - Ne t'en fais pas, pauvre Perséphone ; tu es toujours au même endroit. - Ce furent du reste à peu près les seules paroles qu'on distingua dans tout son r6le. Le reste fut noyé dans la symphonie. Décidément je n'aime pas beaucoup le théâtre”...
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