Lot n° 13

CÉLINE (Louis-Ferdinand) — 3 lettres autographes signées au consul de France à Jersey, Jean Delalande.

Estimation : 2000 - 3000 €
Adjudication : Invendu
Description
[1937]-1938. CELINE ET « LES BOURRIQUES ANGLAISES » A JERSEY. Occupé à la rédaction de Bagatelles pour un massacre, littéralement obsédé par l'idée d'une menace juive et communiste à son encontre, Céline s'était rendu sur l'île de Jersey au début du mois de mai pour y étudier la possibilité d'acheter une maison qui pût lui servir de refuge au cas où il se trouverait dans la nécessité de quitter la France. Dans le contexte du Couronnement de George VI (12 mai 1937), la politique britannique était particulièrement attentive aux étrangers sur son territoire, et Céline, dont la réputation était sulfureuse, s'était vu confiner dans son hôtel et privé de son passeport le 14 mai. Le consul de France à Jersey Jean Delalande, qui avait apparemment déjà rencontré Céline en Bretagne, vint mettre un terme à cette situation. Pour le remercier, Céline il lui offrit une partie du manuscrit de Casse-pipe. Ils restèrent en excellents termes, se revirent à Saint-Malo, et Jean Delalande épousa par la suite en secondes noces une amie de Céline.

– Lettre autographe signée « LFCéline ». Paris, « le 16 » [mai 1937]. « Cher ami, voici une lettre de mon éditeur qui vous amusera, vous verrez que le nécessaire a été fait, au-delà de mon désir ! J'ai trouvé la ville en émoi. Cela suffit, je pense, nous avons ri. MILLE BONS MERCIS ENCORE POUR VOTRE ADMIRABLE ACCUEIL, TOUTE LA GENTILLESSE QUE VOUS AVEZ DEPENSEE AUTOUR DE CE DELICAT ET RIDICULE INTERMEDE ! Mais tout mes regrets d'autre part d'avoir pu être importun et encombrant. J'espère que nous allons nous revoir bientôt, à Guernesey. Sous votre égide, ce séjour fut malgré tout un enchantement ! Au fin lettré ! à l'historien ! au défenseur des persécutés ! à l'artiste ! au confrère ! Toute ma reconnaissance et mon amitié ! [...] » (1 p. 2/3).
+G13
– Lettre autographe signée « Destouches ». Saint-Malo, [juillet 1937]. « Mon cher consul, encore moi ! JE MEDITE DE MONTER ENCORE UNE FOIS A L'ASSAUT DE S[AIN]T-HELIER [principal bourg de Jersey] mais avec une petite amie [sa future épouse Lucette Almanzor] et deux bicyclettes. J'aborderai de S[ain]t-Malo dans le début d'août. Mais les bicyclettes ? Que faut-il faire pour ne pas payer la douane anglaise ? Dois-je vous assommer avec un tel problème ? J'ai honte. Enfin vous êtes toujours si amical que [je] prends cette audace. Dites-moi juste si c'est idiot. Je viendrai alors franchement expier. Cette petite amie est fort convenable, fort aimable, fort discrète. RIEN QUI PUISSE ALARMER LES BOURRIQUES ANGLAISES... » (2 pp. in-folio).

– Lettre autographe signée « LF Céline ». S.l., « le 29 » [janvier 1938]. « Cher ami, j'allais écrire et ne savais au juste où (je ne vous croyais plus à Jersey) quand votre carte est arrivée ! Mille fois reconnaissant pour votre gentille pensée et cette sympathique alarme. En fait, l'écho est bien exact (inutile de vous dire que je ne suis pour rien dans sa publication). J'AI ETE VIRE DE CLICHY COMME UNE ORDURE. LE PLUS MUFFLEMENT DU MONDE. Pire encore si possible. Sans surprise évidemment ! TOUT CECI DANS L'ORDRE DES CHOSES. EN PAYS PARFAITEMENT POURRI, SURVENDU – le contraire eût été surprenant. – L'AVENIR ? JE NE SAIS RIEN. JE ME TIENS EN ARRET. PRET A VENDRE MA PEAU, LE PLUS CHER POSSIBLE. C'est tout. – Et que devenez-vous ? Où allez-vous ? Je ne peux parler de vous retrouver hélas ! Malgré toute l'envie que j'en aurais. Je serais certainement tout aussi honni, sinon davantage, des judéo-britons ! [...] » (2 pp. in-folio). Céline avait en fait démissionné du dispensaire de Clichy où il assurait une vacation quotidienne depuis 1929, et où il entretenait des relations exécrables avec le directeur, Grégoire Ichok.

Lettres, n° 37-21, 37-26, 38-5.
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