Lot n° 46

CÉLINE (Louis-Ferdinand) — Lettre autographe signée « Louis » à Robert Le Vigan.

Estimation : 1500 - 2000 €
Adjudication : 1 625 €
Description
S.l., 28 février [1955]. 6 pp. in-folio.
De la bande des amis de Céline à Montmartre, le comédien Robert Le Vigan l'accompagna dans son périple en Allemagne à la fin de la guerre, avant de s'exiler en Espagne puis en Argentine. Céline le peignit sous les traits de « Norbert » dans Féerie pour une autre fois II (Normance), puis de « la Vigue » dans la trilogie germanique. Sur leurs relations, voir ci-dessus le n° 35.

« Mon cher, bien cher Robert. Lucette [épouse de Louis-Ferdinand Céline] t'embrasse bien, moi aussi. De tout cœur avec toi. Te voilà aviculteur. Bravo ! Normance mon dernier livre (Gallimard) est-il à Buenos Ayres ? Il y est question de toi. Il est tout à ta gloire (bien méritée !). MAIS GALLIMARD ME SABOTE IMPECCABLEMENT, ME GAROTTE, VEUT QUE JE CREVE DE FAIM, ET TOUTE SON EQUIPE, UNE SYNAGOGUE, IL N'Y A D'AILLEURS PLUS ICI QUE DES SYNAGOGUES. ON SE SENT EXILE CHEZ SOI, DANGEREUX INDIGENE SUSPECT DE TOUT.
42 millions de laquais – sont aux ordres, à la dévotion ! ""gilets rayés"" ! le drapeau gaulois : un gilet rayé – ce qu'apprit VERCINGETORIX ! bien fait pour sa gueule ! histoire toujours d'actualité ! comme celle de JEANNE PEAU D'ARC, brûlée ! TOUS CEUX QUI S'OCCUPERONT DES FRANÇAIS SUBIRONT LE MEME SORT ! C'est écrit !
JE SUIS TROP VIEUX, JE NE LE VERRAI PAS, ET TROP MALADE, L'ARRIVEE DES CHINOIS A PARIS ! JE NE CROIS PAS AUX RUSSES ! chrétiens comme nous, suceurs de doigts de pieds, ils sont faits pour s'entendre avec Mauriac ! Vive Chou En-Laï ! un vrai raciste ! l'avenir du monde : jaune ! La question juive n'existe plus ! entre toi, moi, et le rabbin Kaplan, pour Chou En-Lai : aucune différence ! et son milliard de bourreaux ! Voilà qui existe ! Voilà du nanan ! du sérieux ! du cousu main ! des velléités racistes ces histoires judéo-nazistes ! toi là-bas dans la pampa tu ne verras peut-être rien non plus... On aura pas beaucoup rigolé !
ICI A MEUDON C'EST L'HOSTILITE ET LA MISERE, ET LA MALADIE, ET LE FROID, il y a longtemps qu'on mange si peu, qu'on a si froid, que c'est une pénible habitude, c'est tout [...] Je n'ai au cœur que haine et chagrin, rien d'autre ! tu connais ces sentiments – bien souriant, bien aimable toujours, évidemment, plus qu'avant ! MARCEL AYME VA DE TRIOMPHES EN TRIOMPHES, en ce moment ses ""Sorcières de Salem"" bourrent le Sarah-Bernhardt, avec Montant et Signoret ses vedettes coco judesques, le tout monté par Rotchild – les virages byzantins sont dans ses cordes, tu le connais, il est bien aimable avec nous. JE N'AI PAS REVU GOLO-GOLO [LE PEINTRE GEN PAUL] mais je sais qu'il rabache indéfiniment son numéro grujot bohème dur de dur etc... et qu'IL NOUS HAIT BIEN ET LE HURLE A TOUS LES AZIMUTHS !... FASTIDIEUX GATEUX CLOWN ET PUCEAU !... la chiasse qu'il a eu du gniouf ! Il en délire toujours ! une vieille fiote !
LA JEUNESSE D'A PRESENT T'IGNORE COMME ELLE M'IGNORE, comme si on n'avait jamais existé, le nécessaire a été fait. TOUT LE TABAC POUR MONTANT, SIGNORET, SARTRE, PIAF, MONTHERLANT, MAURIAC, MALRAUX, PICASSO, JEAN MARAIS – TOUT CELA MAUVAIS, CHROMO-FARCEURS POUR DEBILES MENTAUX, INSIPIDES MAIS FLOUZE ! ET COCO OU CRYPTO-COCO. TOUS LES COCOS SONT RICHES... Marcel [Aymé] gagne 100 sacs par jour, Yves Montant idem, etc... le Golo-golo avec ses chromos-touristes prend ses 20 à 30 sacs par jour – Malraux 1 million par mois à Gallimard (2 Packards, avec chauffeurs idem Jules Romain) [...] »

Lettres, n° 55-11.
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