Lot n° 255

Manuscrit. — Offices Pour L’invention De Saint Sébastien. - Office Des Morts. - Seconde moitié du xve siècle (Paris).

Estimation : 15 000/20 000
Adjudication : 16 000 €
Description
Parchemin. 72 ff., 305 x 205 mm (justification : 235 x 130/140). 21 longues lignes ou 7 portées par page. Réglure à l’encre brune. La justification peut varier selon qu’il s’agit d’une page de texte ou d’une page entièrement notée. Abondante notation musicale carrée sur portées à 4 lignes rouges, clés de sol, clés de fa, bémols (f. 14), guidons soigneusement indiqués. L’angle inférieur extérieur de quelques feuillets a été restauré. Composition. Garde, I 8 (f. 1-8), II8 (f. 9-16), III8 (f. 17-24), IV8 (f. 25-32), V8 (f. 33-40), VI8 (f. 41-48), VII8 (f. 49-56), VIII8 (f. 57-64), IX2 2 feuillets libres (f. 69-70), X3 (4—1) le premier feuillet du cahier a été coupé (f. 71-73). Veau brun sur ais, décor estampé à froid de filets et de petits fers, dos à cinq nerfs (Reliure contemporaine du texte, restaurations). Décoration. La première page est décorée d’une jolie bordure à compartiments de motifs végétaux (feuilles d’acanthe, fleurs rouges) (f. 1). L’ensemble du manuscrit est décoré d’initiales ornées de deux sortes : 1) des initiales de couleur rehaussées à l’or, comme il est courant dans les manuscrits liturgiques parisiens de cette époque. 2) des initiales tracées à l’encre noire, fines et étirées vers le haut, d’un style qui provient des manuscrits juridiques. Elles sont employées à partir du XIV e siècle dans les manuscrits musicaux en raison de leur légèreté. L’AJOUT DE 52 REPRÉSENTATIONS DE TÊTES HUMAINES OU GROTESQUES DESSINÉES AVEC UNE PLUME TRÈS FINE ET JOLIMENT COLORIÉES DÉSIGNE LA FIN DU XVE SIÈCLE. Ces belles initiales interviennent dans les pièces notées sans alourdir l’aspect général. Texte. f. 1-7v : Vêpres de l’Invention de saint Sébastien. f. 8-18 : Messe de l’Invention de saint Sébastien, qui est célébré le 13 octobre (f. 7v°). - Annotation marginale : « Evangelium sancti Rochi invenies in fine libri » (f. 9. début XVI e s.), voir f. 73v. Nota. La présence de saint Roch dans ce corpus lié à la peste n’est pas insignifiante. Entre autres attributs (invocation contre la silicose des tailleurs de pierre, contre les maladies des animaux et de la vigne [le phylloxéra]), celui-ci pouvait être invoqué contre les épidémies de peste, de choléra, de typhus. f. 18-26v : Messe des défunts (CO 3116b-c, 2204, 2684a-b). f. 26v°-53 : Office des morts, selon l’usage parisien (cf. Ottosen, 72.14.32.57.24.68.28.46.38). f. 53v°-67 : Prières de la « commandatio defunctorum » (cf. CO 1251 : Missa in anniversario depositionis die). f. 67v°-70v : Gloria suivi du Credo. Les initiales sont absentes f. 70rv, mais espaces réservés au bas du f. 69v°, et f. 70 (D, F) et verso (I, F). f. 71-73v (d’une autre main, début XVI e s.) : Dies irae. f. 73v : Évangile selon Mathieu (cf. annotation marginale, f. 9). Provenance. Ce manuscrit a été exécuté à Paris à la fin du XV e siècle on ne sait pour qui, mais l’abondance de la musique laisse envisager qu’il a été commandité par un chantre. Adrien Martin, diacre de l’église Saint-Paul de Paris : « 1504 octobris 21, a magistro Adriano Martino, tum temporis diacono apud divum Paulum Parisiis » (f. 73v°). Jean Geoffroy, conseiller du roi, à Épernay : part i au I er d’argent à trois têtes de Maures de profil ; au 2e d’or à la croix de gueules (ex-libris gravé, écu dans un cartouche supporté par deux Maures). Et au-dessous : « Ex-libris Ioan. Geoffroy, Regi a conciliis. Sparnac. » (contre-garde sup.). Catalogue de la bibliothèque Georges Moreau, Paris, 1934, n°3. Bibliographie. P. PERDRIZET, Le Calendrier parisien à la fin du moyen âge d’après le bréviaire et les livres d’heures, Paris, 1933 (Publications de la faculté des lettres de l’université de Strasbourg, 63), p. 80-81. - K. OTTOSEN, The Responsories and Versicles of the Latin Office of the Dead, Aarhus, 1993. - CO = Corpus orationum, inchoante E. MOELLER †, subsequente I.M. CLEMENT †, totum opus perfecit B. COPPIETERS T WALLANT †, 10 vol., Turnhout, 1992-1997 (Corpus Christianorum. Series Latina, CLX-CLX i). - Victor LEROQUAIS, Les Bréviaires manuscrits des bibliothèques publiques de France, 5 vol., Paris, 1934. - ID., Les Livres d’heures manuscrits de la Bibliothèque nationale, 2 vol., Paris, 1927. - Catalogue de la bibliothèque de M. Georges Moreau, ancien associé de la Librairie Larousse, vente [Paris, Hôtel Drouot] les 10, 11, 12, 13 décembre 1934, E. Giard, comm.-pris., G. Andrieux, expert. Paris, 1934, n° 3. UN MANUSCRIT RARE, TÉMOIN EXCEPTIONNEL DU TRAUMATISME CAUSÉ PAR LA PESTE SUR LA POPULATION À LA FIN DU MOYEN ÂGE. La Peste noire (1347-1352) ne fut ni la première ni la dernière des grandes épidémies du Moyen Âge mais, par son ampleur (décès en 5 ans de 40 à 50% de la population européenne, soit entre 15 et 20 millions d’individus), elle marqua profondément toute la société. On vit se multiplier des groupes de flagellants, tentant d’expier les péchés, avant la Parousie (retour glorieux du Christ à la fin des temps en vue de l’établissement définitif du royaume de Dieu), dont on pensait que la peste était un signe annonciateur. Ces groupes restaient toutefois marginaux, et la plupart des chrétiens firent face au fléau par une piété redoublée, mais ordinaire et encadrée par un clergé qui réprouvait les excès. L’iconographie de l’Apocalypse est alors bouleversée : elle figure à l’origine, comme le veut son étymologie, la « révélation », pour finir par évoquer une catastrophe massive et violente. C’est dans ce contexte que se développa le culte de saint Sébastien. Celui-ci mourut percé de flèches, or la peste était attribuée aux flèches de la colère divine. Sébastien pouvait donc préserver de la peste et, à la suite de la Peste noire, de nombreuses associations pieuses furent fondées dans le but d’obtenir l’intercession de ce saint pour lutter contre la maladie. Aucune église parisienne n’est placée sous son invocation, mais une chapelle lui était dédiée à Saint-Victor. Les clercs de Saint-Médard de Soissons, qui possédaient depuis l’an 826 le corps de saint Sébastien, vinrent à Paris en 1445 avec la châsse du saint pour récolter de l’argent « et tous ceux qui se mirent en la confrérie dudit saint payèrent chacun huit deniers » (A. TUETEY, éd., Journal d’un bourgeois de Paris (1405-1449), Paris, 1881, p. 377). C’est dans ce contexte qu’il convient de situer ce manuscrit, qui englobe un corpus tout à fait cohérent associant les offices à saint Sébastien aux offices des morts. Les offices des morts parisiens sont bien connus. En revanche, la mention des offices de saint Sébastien sont extrêmement rares. On en relève que deux dans les catalogues liturgiques de l’abbé Victor Leroquais : Paris, BNF, lat. 1051 (Bréviaire de Paris, fin XV e s.), Au calendrier, 13 oct. « De inventione corporis beati Sebastiani », et f. 214 : « In festo inventionis corporis gloriosi martiris Sebastiani ». Et Paris, BNF, lat. 13267 (Heures à l’usage de Rome, Nord de la Loire région parisienne ? XV e s.) : « S’ensuist messe de saint Sebastien pour mortalité… » (f. 37), et « Messe de monsieur saint Sebastien pour mortalité eschever… » (f. 39). UN BEAU MANUSCRIT DUNE GRANDE RARETÉ, TRÈS SOIGNÉ DANS SON ÉXÉCUTION, DANS UN BON ÉTAT DE CONSERVATION.
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