Lot n° 94
Sélection Bibliorare

Pierre Drieu La Rochelle (1893-1945). manuscrit autographe signé, Anonymes, [1923] ; cahier d’écolier Gallia petit in-4 de 60 pages avec couverture vert d'eau et dos toilé, et 20 pages intercalaires de formats divers. mAnuscrit complet de...

Estimation : 6000 / 8000
Adjudication : Invendu
Description
premier jet et de trAvAil d'une nouvelle recueillie dAns (Gallimard, 1 924). « Stan et Sue, les héros d'Anonymes sont présentés l'un à l'autre dans un groupe d'amis. L'histoire de leur mariage est plutôt une suite de notations, d'analyses, un schéma très abstrait de ce qui amène deux jeunes gens à cet acte irrévocable au moment même où tout semble conjuré pour les empêcher de se voir tels qu'ils sont. Finalement, l'idée du pari, l'idée qu'il faut jouer sa destinée sur un va-tout, amène Stan à épouser Sue bien que la facilité du divorce enlève tout sens de l'aventure à cette décision. » (Frédéric Grover). Ce mAnuscrit de premier jet est écrit à l'encre bleu-noir sur le recto des feuillets lignés du cahier (paginé de 1 à 49), et se continue sur des feuillets volants ajoutés à la fin du cahier (paginés 50 à 67). Il est AbondAmment rAturé et corrigé, avec de nombreuses biffures et corrections interlinéaires, et des passages rayés ; des modifications plus importantes et des additions ont été rédigées sur les versos en regard de la page corrigée, ainsi que sur des feuillets intercalaires. On lit aussi, sur plusieurs versos, des jalons pour l'élaboration de l'intrigue, notés au crayon. Le début de la nouvelle a été entièrement biffé, et refait au net sur deux grands feuillets ajoutés en tête du cahier. La première page du cahier porte deux titres envisagés, puis biffés : Une histoire/affaire bâclée et L'instant et l'époque, puis le titre définitif : Anonymes. La couverture porte un autre titre envisagé puis soigneusement biffé : Fiançailles, ainsi que la dédicace : « À Jean Boyer / son ami / 1913-1923 / Pierre Drieu la Rochelle ». [Jean Boyer (1893-1968), qui sera également le dédicataire de la nouvelle dans l'édition, était le condisciple de Drieu aux Sciences politiques, et entretint une belle correspondance avec son ami pendant la Guerre. Il fit carrière au ministère des Finances, puis quitta l'administration pour le Comptoir National d'Escompte de Paris dont son père était président. En 1945, il s'occupera avec Colette Jéramec des funérailles de Drieu.] Seule une étude approfondie permettrait de faire valoir tout ce que cette version primitive d'Anonymes a de spécifique. Le texte de ce manuscrit est plus diffus que celui que l'on connaît ; l'analyse de la séduction mutuelle des personnages, moins fine. Mais on relève avec intérêt de nombreuses vAriAntes par rapport au texte définitif, qui permettent d'apprécier l'énorme travail de révision que Drieu s'est imposé avant de publier la nouvelle. Outre l'hésitation sur le prénom de l'héroïne (Suz, Suzanne ou Sue), relevons par exemple, au début de la longue séduction, des réflexions qui disparaîtront avant l'édition : « Ce qui la surprenait lui parut singulier. Mais la singularité, quel mérite ! Stanislas eut une beauté singulière » (p. 16). « Chemins tournants, et délicieux de la soumission » (p. 17). « Lui qui croit pourtant, par la vertu des doctrines qui trompèrent dans le siècle, ne devenir que ce qu'il croit être, il se fait l'homme qu'on veut qu'il soit, par une très légère modification du possible » (p. 18). Plus loin, lors d'un développement sur les ambitions et les espoirs de Suzanne, qui souhaite qu'un homme vienne lui communiquer la force, et « les autres choses convoitées », on lit ces lignes supprimées (p. 34) : « tant l'espoir fait naître d'improbables féeries. Du reste, c'est heureux que la vie soit plus difficile, car que deviendrait le tragique, notre cher tragique ? ». Etc. on joint un exemplaire de Plainte contre inconnu (Gallimard, 1924, avec mention fictive « quatrième édition »).
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