Lot n° 39
Sélection Bibliorare

CÉLINE (Louis-Ferdinand) — Ensemble de 4 lettres à Charles Deshayes.

Estimation : 2000 - 3000 €
Adjudication : Invendu
Description
1949-1956.
1. Lettre autographe signée « LFCéline ». « Le 14 » [Danemark, 14 septembre 1949, d'après le cachet postal]. « Hé cher ami, Dieu comme vous parlez un bizarre et exaspérant langage ! Que voulez-vous que cela me fiche que vous soyez honnête pas honnête sincère pas sincère ! Réfléchissez, foutre ! 10 ans d'hallali ! Mais je vous fous tous dans le même sac ! VOUS BATIFFOLEZ, ENCULAGAILLEZ DES SOTTISES ! JE N'AI QUE HAINE ET MISERE, C'EST TOUT ! STRICTEMENT TOUT. MORALITE ? OH LA LA. PATATI PATATA. JE N'AI PLUS DE CHEMISES, PLUS DE DRAPS, PLUS DE HARENG ! Tout m'a été volé, et l'on me vole encore – tous les jours ! et deux ans de vie, mon cher, en supplices ! Et je ne veux pas de cadeaux ! Je ne veux RIEN, la paix, LE SILENCE [...] » (2 pp. in-folio, enveloppe conservée). Lettres, n° 49-78.

2. Lettre autographe signée « LFC ». « Le 4 » [Korsør au Danemark, 4 janvier 1950, d'après le cachet postal]. « Tous ces gens ont une chiasse intense de la loi que va faire voter bientôt Mayer et qui fera crime de ce genre d'ouvrages. C'est tout [le garde des Sceaux René Mayer ne fit jamais voter de loi de censure]. Quand on est faible il faut se taire. Vous allez voir comme ils vont me le prouver le 21 fév[rier] en Cour !... » Ce jour là, Céline serait condamné par la Cour de justice à un an d'emprisonnement, 50000 francs d'amende, à la dégradation nationale et à la confiscation partielle de ses biens, pour avoir « sciemment accompli des actes de nature à nuire à la défense nationale » (1 p. in-folio, déchirure sans manque, enveloppe conservée).

3. Apostille autographe destinée à Charles Deshayes (1950, 4 lignes), portée sur une lettre adressée par les Éditions des Wikings à ce dernier (Lyon, 20 août 1950, 1 p. dactylographiée). En quête d'un éditeur pour son projet de livre L'Affaire Céline, Charles Deshayes avait contacté les Éditions des Wikings, marquées à l'extrême-droite, qui lui adressèrent le présent courrier de réponse : « ... Si les ouvrages de Céline sont d'un placement en général assuré... par contre les ouvrages sur Céline ne connaissent pas les mêmes possibilités. Il suffirait de se rappeler celui du soviétique Ilya Ehrenbourg avant guerre déjà, qui, malgré l'autorité de son auteur et l'appui de tout l'appareil communiste a été loin d'être un succès... » Louis-Ferdinand Céline a inscrit en tête, au crayon rouge : « Bla bla bla », puis, à l'encre, en marge de la référence à Ilya Ehrenbourg : « pure et idiote invention ! Jamais existé ! EN FAIT DE RUSSE JE N'AI EU QUE LA TRADUCTION DU VOYAGE PAR ARAGON ET TRIOLET. C'est tout. » Document reproduit dans Lettres à Charles Deshayes (p. 172) et dans Dictionnaire de la correspondance de Louis-Ferdinand Céline (p. 325).

4. Lettre autographe signée « LFCéline ». « Le 14 » [Korsør au Danemark, 14 janvier 1951 d'après le cachet postal]. « Je reçois un livre, Amour et tuberculose, du Dr Charles Fouqué, mais ce confrère ne me donne pas son adresse ! [...] Je suis embarrassé pour le remercier ! Pouvez-vous le dénicher et lui faire parvenir ce petit mot ? Votre ami... » (1 p. in-folio, enveloppe conservée).

Sur Charles Deshayes, voir ci-dessus le n° 31

JOINT : CANAVAGGIA (Marie). Lettre autographe signée à Charles Deshayes. Paris, 7 février 1956. « [...] VOUS VOUS FAITES DES ILLUSIONS SUR MES RAPPORTS AVEC NOTRE GRAND HOMME. JE NE LE VOIS QU'AUX PERIODES PRECEDANT LA PUBLICATION DE SES ŒUVRES... ET NE L'AI PAR CONSEQUENT PAS VU DEPUIS LA MISE AU POINT DE SON ""ART POETIQUE"" [les Entretiens avec le professeur Y, parus dans la Nrf en 1954 puis en librairie en mars 1955]... Il me téléphone de temps à autre. J'évite, moi, de lui téléphoner car DE PLUS EN PLUS IL S'ENFERME DANS LE TRAVAIL. Je crains bien par conséquent de ne pouvoir jouer avec succès le rôle d'agent de liaison que vous espérez... Je vous promets seulement de faire une allusion à votre visite probable le jour où il m'appellera et où je le sentirai assez dégagé de l'obsession du travail pour m'écouter... » (2 pp. in-8, enveloppe conservée).

MARIE CANAVAGGIA, L'INDISPENSABLE COLLABORATRICE LITTERAIRE DE CELINE. Par ailleurs traductrice de l'anglais et de l'italien, cette femme indépendante commença de travailler pour Céline en 1936, pour l'aider à établir le texte de Mort à crédit. Elle poursuivit le même genre de travail sur les œuvres suivantes jusqu'à Nord (1960) : elle jouait un rôle important, dictant le texte des manuscrits à des dactylographes, interrogeant Céline sur des points de style, relisant les épreuves, intervenant auprès des éditeurs... et elle lui rendit aussi toutes sortes de services annexes, lui expédiant par exemple divers objets nécessaires pendant sa captivité au Danemark. Elle fut la première à qui l'écrivain se risqua à écrire depuis le Danemark en 1945.
Partager